Dimanche dernier, le 2 juin, l’équipe Concrete nous a régalé avec une rave monumentale dans un vélodrome envahi par les sons techno de Anetha, Kas:st, Octave One, Paranoid London et RØDHÅD. Cette soirée qui restera ancrée dans les mémoire souffle un vent de nouveauté et ouvre au débat sur l’avenir de la scène techno française.
Il parait impossible de traiter cet événement comme on pourrait en traiter un autre. Ce n’est donc pas ce que nous allons faire. La soirée était grandiose, ce sera sans doute la meilleure de cet été 2017 (même s’il ne fait que commencer) mais les enjeux vont bien plus loin, et c’est donc impossible de juste donner son avis sur la soirée. Parce qu’elle nous a laissée bouches-bées et la tête pleine de questions, Hors Série #2, totalement hors normes, ne peut pas être qualifiée sous les mêmes termes qu’une autre soirée techno parisienne. La tâche d’émettre un avis, positif ou négatif, est extrêmement difficile puisque nous n’avons presque aucun point de comparaison, nous allons donc ici nous abstenir.
Nous allons partir sur un sentiment plus personnel mais qui je pense saura faire écho à certain d’entre vous. Après avoir marché depuis la gare puis franchis tous les contrôles, j’étais l’une des premières de mes amis à pouvoir entrer sur le site et ai décidé de rentrer avant les autres. Je m’attendais à une soirée dingue, comme il y en a beaucoup finalement, mais je pense que je ne m’étais vraiment pas préparée à ça. J’ai du batailler pour passer au travers de la foule et atteindre l’entrée. Mais là, devant la grande porte ouverte, je me suis retrouvée bloquée. J’ai fais demi-tour pour finalement attendre mes amis. Ce microscopique aperçu, ce coup d’œil furtif à l’intérieur a suffi à me paralyser, trop intense, trop puissant pour que je découvre ou que j’affronte ça toute seule. Déjà, je savais que la claque serait monumentale.
Quelle est l’importance de ce petit épisode? C’est facile de mettre des mots sur une soirée comme ça: énorme, démesurée, lourde, précise, etc… Mais, comme dit plus haut, et comme ma réaction le montre, il est impossible d’attacher un adjectif à Hors Série. Les soirées techno à Paris rassemblent toute une communauté d’adeptes autour de ses collectifs, communauté dont nous faisons partie depuis plus ou moins longtemps. Nous avons pu constater, qu’au cours de ces dernières années, la scène et ses fidèles se sont beaucoup développées, notamment grâce à l’équipe de Concrete (Surpr!ze: organisatrice de Hors Série et Weather Festival). Et toute cette communauté se retrouve chaque weekend lors des différents événements proposés, qui sont de plus en plus nombreux. Nous sommes en quelque sorte habitués à ce genre d’événements, à la musique, aux lumières, aux lieux inédits et à l’ambiance défouloir qui sépare de manière franche ces weekends de la vie « normale ». On est aussi habitués à ce que cette communauté soit une « niche », à ce qu’elle soit plutôt underground, puisque peu médiatisée ou représentée.
Seulement Hors Série pose ici un paradoxe intéressant. L’événement a été très médiatisé pour une soirée techno: spots à la radio, affiches collées un peu partout, communication sur les réseaux sociaux, etc… Ceci, mais aussi le fait que nous ayons pu y voir de nouvelles têtes, plutôt habituées des festivals, prouve que cet événement était plutôt grand public. Or, le ton de la soirée, les artistes présents, le public composé en partie d’habitués, participaient plutôt à l’impression de « niche » underground inhérente à la techno. Le fait que la soirée ait été organisé dans un lieu de sport rappelle les concerts joués dans les stades, son organisation professionnelle et millimétrée aussi. Mais voilà, nous n’étions pas à un concert des Rolling Stones au stade de France mais à une rave géante parfaitement orchestrée. Hors Série redéfinit ainsi la nature même de la scène techno dans une volonté claire de démocratiser celle-ci. Nous pourrions peut-être tenter une comparaison avec les raves EDM des Etats-Unis (type Electric Daisy Carnival aka. EDC), des événements qui, bien que prenant leur racine dans les mouvements underground, sont d’une ampleur phénoménale, ont des budgets colossaux et rassemblent définitivement un public large.
Récemment, les soirées techno semblent – et Hors Série #2 en est le parfait exemple – prendre un autre tournant qui remet en question le statut de la scène techno française. En évitant tout clivage ou confrontation, le débat est donc ouvert.