INTERVIEW : Charlotte de Witte

Charlotte de Witte, originaire de Gand, fait partie de ses artistes que tout le monde a à la bouche. Après une ascension fulgurante dans le monde de la techno entre 2016 et 2017, l’artiste belge poursuit son parcours parmi les grands. Avec plusieurs sorties derrière elle, Charlotte sort aujourd’hui un nouvel EP « Wisdom » sur le label Sleaze Records et en profite pour revenir sur son parcours.


IB: aujourd’hui tu as presque 200 000 likes sur Facebook et tu te produis dans le monde entier. En tant qu’artiste, penses-tu avoir trouvé ta place dans le monde de la musique électronique ?

Et bien ça va très bien et les choses avancent plutôt vite, mais il reste beaucoup de chemin à parcourir.


IB: il semblerait que tu ai toujours vécu en Belgique. Dirais-tu que ce pays t’a inspiré? Que penses-tu de tous ces DJ qui partent vivre à Berlin pour trouver l’inspiration ?

La Belgique a un long passé en ce qui concerne la musique électronique. Dans les années 80, à l’époque de la New Beat (genre proche de l’Acid House ndlr.), notre scène était très active. Nous sommes d’ailleurs ceux qui ont inventé la technologie pour presser la musique sur vinyle, donc je suis assez fière d’être belge. Un pays ou même une ville peut être une grande source d’inspiration, donc je comprend tout à fait pourquoi les gens voudraient s’installer à Berlin. La scène Techno là-bas est énorme donc il est facile de rencontrer des gens qui partagent les mêmes intérêts, ce qui peut être très motivant et inspirant.


IB: le monde de la musique est fait de nombreuses rencontres. Dirais-tu qu’il y a eu une rencontre décisive dans ta vie qui t’a propulsé au devant de la scène ?

Ce qui m’a fait percer c’était d’avoir gagné un tremplin de DJ organisé par Tomottowland et Studio Brussel (Radio publique belge ndlr), ça m’a donné l’opportunité de jouer à Tomorrowland en 2011 et de devenir résidente du Studio Brussel. Gagner ce tremplin m’a ouvert beaucoup de portes, ça a fait connaître mon nom.


IB: quel est ton meilleur souvenir en club ? Pourquoi?

Quand j’ai joué mon premier « all night long » au Fuse il y a un ou deux mois, c’est quelque chose que j’aurais du mal à oublier. J’ai joué un set de huit heures qui a commencé à 23h et s’est terminé un peu après 7h du matin. C’était l’édition de KNTXT la plus chargée que nous ayons eu jusque là et voir autant de gens là, juste pour moi, ça m’a touchée. Le temps est passé à toute vitesse et c’était exceptionnel.


IB: tu as sortit 3 EP’s en 1 an en tant que Charlotte de Witte. Aujourd’hui, si tu devais collaborer avec un artiste pour la sortie d’un EP, qui serait-il ? Sur quel label aimerais-tu être signée ? Quels sont les labels que tu suis ?

Il y a beaucoup d’artistes issus de la scène techno avec lesquels j’aimerais collaborer, mais aussi des chanteurs et paroliers. La liste serait sans fin. J’aimerais par exemple travailler avec Bob Moses ou Lera Lynn. J’adore les chanteurs qui ont des voix un peu cassées. J’adorerais un jour pouvoir sortir quelque chose sur des labels comme Soma Records, Figure, Arts or Afterlife si le morceau correspond au label. Je crois que je dois juste continuer de travailler. Je précise tout de même que je suis très contente là où je suis en ce moment. J’ai beaucoup de chance de pouvoir travailler avec des gens motivés et bienveillants.


IB: ton dernier EP « Voices Of The Ancient » semble illustrer une certaine quête d’identité par l’artwork de la pochette ainsi que son nom ou celui d’une des track ‘Lost ». Qu’est ce qui t’a inspiré ou motivé dans la production de cet EP ?

Ce n’était pas vraiment mon intention d’illustrer une quête identitaire. Le morceau s’appelle “Lost” simplement parce que dans mon esprit, ça correspondait à l’émotion générale qui se dégage des vocaux utilisés. L’illustration est inspiré du titre principal, “Voices of the Ancient”, qui représente quelque chose de sombre qui vous hante sans être effrayant. C’est pour cela qu’on a choisi une illustration blanche et lumineuse plutôt qu’obscure et noire.  Ce n’était pas nécessairement évident.


IB: les sonorités sont beaucoup plus sombres et profondes que ce que tu as pu faire précédemment. Comment dirais-tu que tu as évolué musicalement depuis ton premier EP « Weltschmerz » en 2015 ?

Je vois toujours beaucoup de similitudes avec ce que je fais maintenant. “Weltschmerz” et “Sehnsucht” étaient plus mélodieux mais en écoutant “Den Ganzen Abend” par exemple, qui est sorti sur le même EP, on voit qu’il s’inscrit dans la même lignée que mon dernier EP “Voices of the Ancient” et que mon prochain “Wisdom”. Mon style est un peu plus agressif, épuré et pragmatique désormais, mais ça dépend vraiment de l’état d’esprit dans lequel je me trouve.


IB: La question du positionnement de la femme revient souvent en musique électronique et fais de plus en plus de bruit avec de petits collectifs de femmes DJ qui se montent. Tu as choisis de représenté une femme sur la pochette de ton dernier EP, sombre tel un cri de désespoir. Pourrais-tu nous en dire plus sur ce choix ?

Ce n’est pas une femme qui est représentée sur l’illustration. Ou en tous cas, pas pour moi. C’est plus une sorte de fantôme. C’est drôle comme les gens voient des choses différentes dans les œuvres d’art. Je pense que c’est ce qui fait que c’est si cool.


IB: aujourd’hui, de plus en plus de femmes se font connaîtrent (Helena Hauff, Amélie Lens..), comment est l’ambiance entre femmes DJ ? Peut on parler de rivalité ?

Je pense que lorsque l’on devient jaloux d’une personne, qu’on copie ce qu’il ou elle fait ou que l’on devient hostile envers quelqu’un, pour quelque raison que ce soit, on finit par perdre. Je ne crois pas en une approche agressive. Ça ne peut simplement pas fonctionner. Et puis, soyons honnêtes, ici, nous sommes tous des adultes, donc je pense qu’il n’y a aucune raison de ne pas être amicaux et respectueux les uns envers les autres.


IB: le contexte était-il différent il y a cinq ans quand tu as commencé ?

Il n’y avait pas autant de femmes artistes qu’il y en a aujourd’hui, tout du moins, c’est mon impression. Ça a été assez difficile pour moi au début, mais c’est aussi à cause de mon âge. J’étais une fille de 17 ans qui a eu beaucoup d’opportunités tout d’un coup. Je suppose que mon âge, en plus de mon genre, m’a rendue plus vulnérable que j’aurais dû l’être. Je pense que j’étais une cible facile pour certaines personnes.


IB: comment imagines-tu le devenir de la musique électronique ? Et la place de la femme dans cette culture dans 20 ans ?

C’est dur de dire comment ça évoluera. Un homme sage a dit un jour, lors d’une interview, que si on la résume, la musique électronique peut-être ramenée à deux pilliers: la house et la techno. Les Rémus et Romulus de Rome. Donc quoi qu’il se passe, la base ne disparaitra jamais. Cet homme sage c’est Tiga, et je pense qu’il a raison. Pour ce qui est de la place des femmes dans l’industrie… Je pense que la discussion, même aujourd’hui, est devenue moins pertinente. Il y a de plus en plus de femmes Djs et productrices qui montent à travers le monde, et ce groupe ne peut que s’agrandir.


IB: tu te produis en Serbie, Belgique, Pays-Bas ou encore au Maroc prochainement. Y a t-il une date que tu attends plus que les autres ?

Je suis très impatiente pour ma toute première performance à l’Awakening festival qui a lieu au mois de juin mais aussi pour ma première fois à Ibiza en juillet. Je vais jouer dans le même club et à la même soirée où j’ai découvert la nuit des Baléares il y a des années, donc c’est assez génial. J’amène aussi quelques amis avec moi, on a loué une villa pour quelques jours, donc je suis assez sûre que ce sera agréable.


IB: pour finir, as-tu des projets dont tu aimerais nous parler ?

Je ne veux pas vendre la mèche mais, ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a deux autres EP dont la sortie est confirmée pour après l’été. Je vais aussi beaucoup voyager donc j’espère pouvoir bientôt voir d’autant plus ce que le monde a à offrir.


Wisdom EP de Charlotte de Witte sort aujourd’hui sur Beatport à écouter ICI

Retrouvez là aussi en septembre à l’Oasis Festival : http://theoasisfest.com


Traduction: Sarah Benedyczuk