Avant de présenter cette jeune artiste, il est bon de préciser ce que signifie à nos yeux la scène « néo rave » parisienne. « néo rave » fait directement référence aux raves des années 90. Tout le monde a en tête les codes de la rave party : hangar industriel, techno brute et puissante, et illégalité.
Aujourd’hui, nous sentons qu’il émane une volonté de retour aux sources, sans doute par lassitude des clubs parisiens qui, malgré des programmations extrêmement riches et variées, restent peu nombreux lorsqu’on est amateur de musique électronique underground. Cela se traduit par l’émergence d’un nouveau type de soirées, légal celui-ci : les warehouses. DRØM, ORDER, OFF, La Quarantaine, Contrast, BNK, Fée Croquer, Possession, Subtyl, Sub0, Exil, etc. Ces warehouses ne font que se multiplier depuis ces dernières années dans la région parisienne.
Les codes sont les mêmes ou presque : un hangar (en anglais warehouse) avec une scénographie épurée, de la Techno brute dite « industrielle » à l’honneur (qui n’a plus rien n’avoir avec celle des années 90), et par contre la légalité qui bien entendu offre de nombreux avantages organisationnels. Les warehouses permettent une plus grande liberté artistique également. Le public ne se déplace pas pour voir uniquement des artistes reconnus mondialement. Il sait à quoi s’attendre en type de musique électronique, il fait donc confiance à l’organisation pour lui proposer des artistes de qualité, y compris des jeunes talents.
L’artiste que nous souhaitons mettre en lumière aujourd’hui fait partie de ces jeunes talents qui représentent donc la scène « néo rave » parisienne : EKLPX.
EKLPX a 23 ans et vit à Paris. Elle débute sa carrière de DJ et de productrice il y a 2 ans seulement. Avec déjà 70 dates à son compteur à Paris et à l’étranger, une page Soundcloud qui regorge de pépites signées de sa main, et une résidence à La Quarantaine depuis cette année, EKLPX est déjà une artiste confirmée. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de la sortie de son dernier EP – Got Demons To Fight – sur le label Prospective Recording :
Peux-tu revenir sur tes débuts, comment t’est venu le goût pour la musique électronique, et comment tu as commencé ?
Quand j’étais plus jeune, je sortais beaucoup au Showcase. C’est grâce à ce club que j’ai découvert la musique électronique et que j’ai commencé à me passionner. Il y a deux ans, j’ai échangé mon Mac contre un clavier avec un pote, et il m’a donné des cours sur Ableton pendant deux semaines. Ce même pote commençait à ce moment là un cursus dans l’école SAE à Paris, et comme j’avais grave kiffé cette petite formation, je me suis dit que j’allais continuer, et je me suis inscrite dans la même école que lui. Après avoir obtenu mon diplôme d’Electronic Music Producer j’ai continué bien entendu à produire, mais je me suis aussi achetée des platines, et j’ai appris à mixer. Ensuite, à cette époque là venait de se créer le groupe Facebook Pas Weather Festival Music, à la base pour contrer de façon humoristique le groupe Weather Festival Music. Les filles qui ont créé ce groupe ont lancé dessus une radio pour promouvoir la jeune scène française, et il suffisait de leur proposer des sons. Si ça leur plaisait, elles le passaient. Un jour, un gars a posté un screen shot de mon son qui passait sur la radio parce que ça lui a plu, et pas mal de personnes ont likés. De là, des gens ont commencé à me contacter, et c’est comme ça qu’on m’a proposé mes 1ère dates, de faire parti d’un collectif de jeunes producteurs qui s’appelle Oscil8 avec lequel j’ai mixé au Pigallion, ou au Batofar et à d’autres endroits dans Paris, et on m’a également proposé de faire des EP. Du coup je ne remercierai jamais assez ces filles qui aujourd’hui sont devenues de bonnes potes à moi.
1er EP d’EKLPX – juin 2016 :
Quand on écoute tes productions, elles sont essentiellement Techno voire Techno Industrielle. D’où te vient ce goût pour cette Techno puissante et énergique ?
C’est assez difficile à expliquer. Je suis capable d’écouter de tout et apprécier tout type de musique, mais quand je produis, c’est instinctivement ce type de musique électronique qui me vient à l’esprit. Tu vas me dire que c’est un truc d’artiste, mais en vrai je pense que c’est totalement ça. Je ne suis pas certaine qu’un peintre soit capable de te dire pourquoi il a choisi telle ou telle couleur pour sa toile. C’est un peu pareil quand je crée. Je fais ce qui me fait réellement vibrer, au fond de moi.
Comment es tu devenue DJ résident de La Quarantaine ?
Pendant ma formation à la SEA, j’ai fait un stage pour l’application Shot Gun, qui promeut les soirées de musiques électroniques à Paris, et qui en organise aussi. Je travaillais avec deux personnes, qui ont décidé de monter le collectif de La Quarantaine, et ils m’ont proposé de faire partie du projet, notamment en devenant DJ résident. J’ai fait ma première soirée avec eux en février de cette année dans un lieu un peu spécial puisque c’était une église désaffectée. Ensuite, j’ai mixé à La Quarantaine de mai au 6B, celle de juin dans un warehouse, et celle de leur anniversaire en octobre dernier qui a cartonné. Grâce à cette soirée, la page Facebook du collectif a pris 2000 likes d’un coup.
Qu’est ce tu penses du concept de La Quarantaine que l’on rattache à la tendance « neo rave » qui bat sont plein à Paris ?
C’est justement ça que j’adore. Ce me correspond parfaitement. Je suis pour sortir la musique électronique des clubs, pour la mettre dans des lieux industriels ou désaffectés ou justement seul la musique compte, et le partage entre les passionnés comme moi. C’est un concept qui est plus accessible pour les DJ beginners aussi. Ce sont souvent des jeunes qui organisent ces soirées et qui débutent aussi dans le milieu, donc forcément, ils veulent mettre en avant des artistes à leur image, auxquels autant eux, que le public peuvent s’identifier. C’est tout particulièrement le cas à La Quarantaine. Cette relation de proximité rend l’ambiance chaleureuse et décontractée. C’est un vrai bonheur de travailler avec eux. Du point de vue du public, je pense qu’il est aujourd’hui à la recherche de grands espaces, où il est possible de danser plus librement qu’en club surpeuplé, et a surtout envie de faire des soirées différentes, autant en matière de lieu, que d’artistes.
Être une femme dans ce milieu c’est compliqué je suppose ?
Alors non justement, être une femme c’est tellement plus facile parce que le milieu veut lutter contre l’image sexiste qui lui colle à la peau. Du coup, je trouve qu’au contraire, je suis hyper bien reçue par tout le monde. C’est vraiment un avantage d’être une femme aujourd’hui dans ce métier. Demain, s’il y a de plus en plus de femmes, ça risque par conséquent d’être moins facile. On va dire que je suis au bon endroit au bon moment.
En parlant d’artistes féminines, je sais que tu as fait le closing de Charlotte de Witte au Cercle, est ce que tu peux nous en parler ?
Et bien c’était une expérience incroyable. J’ai la chance d’avoir un ami à moi qui travaille avec le créateur des soirées du Cercle, et qui était booké pour faire le closing de Charlotte de Witte. Il m’a gentiment proposé si je voulais le faire avec lui, et c’était juste fou. Charlotte de Witte est extrêmement abordable, tu peux discuter avec elle sans problème, j’ai vraiment adoré travailler avec elle.
Pour finir, étant toi- même une jeune artiste, quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui débute ?
Je pense qu’il faut avant tout ne pas se prendre la tête. Il faut faire ce qu’on aime, peut importe ce que les gens autour de toi peuvent dire. Si tu restes toi même tu y arriveras, et aussi, il ne faut pas trop se mettre la pression.