En marge de sa prochaine soirée qui aura lieu le Vendredi 1er Février prochain au Nouveau Casino, nous avons rencontré Virgil Buisset (aka Swoop), fondateur du label Steppin’motion Records. L’occasion d’en savoir plus sur lui et sur ce label qui monte !
ItinéraireBis : de quelles volontés est née Steppin’Motion Records et qui se cache derrière le projet ?
Le label est né après une longue réflexion il y a deux ans. Á l’époque, je m’occupais de l’A&R (du choix des artistes) pour Oscil8 Recordings avec des amis, qui est résolument tourné vers les bedrooms producers. On organisait quelques soirées, mais comme on ne voulait pas booker de têtes d’affiches, c’était compliqué de grandir à la vitesse que l’on désirait, et musicalement, on avait chacun notre univers (je pense par exemple à EKLPX, qui est complètement techno, ou Armless Kid et Louis Dauvergne, qui sont plus House).
Le Crew a fini par se séparer, et je voulais alors créer mon propre label, avec des artistes plus établis, qui viendraient travailler en synergie avec ces talents de demain.
Á ce moment-là, je suis parti travailler en Italie sur le Kappa FuturFestival et ai découvert là-bas une vision plus artistique et minimaliste de la musique.
Là-bas, je suis tombé amoureux de la simple beauté des vinyles, de cette manière épurée et humaine de jouer, et des événements undergrounds du collectif Outcast Torino.
Ce fut pour moi à la fois une épiphanie et un retour aux sources : j’ai compris que la fête n’avait pas besoin de confettis, de lightshow mirobolant ou de DJ « hype » pour être mémorable : un spot incroyable devant un château en haut d’une vallée (que tu peux voir ici), des artistes talentueux, un système son parfaitement réglé et une ambiance intimiste suffisent (même si l’after dans les douves dudit château aide un peu…)
Ces événements m’ont bouleversé : je désirais promouvoir cette vision artistique de la musique via des sorties vinyles, avec des peintres / street-artists réalisant les covers des disques en se basant sur les sons des EP, et ramener la musique comme l’oeuvre d’art qu’elle est, et non comme un produit efficace destiné à faire le top Beatport.
(par exemple ces deux artworks pour l’EP en deux parties de Mihai, réalisés par l’italien Vesod)
Derrière le projet, ce fut pendant presque un an une « one man army » comme mes amis aiment dire ahah, et un ami d’enfance, Maxime, s’est impliqué dans le projet il y a quelques mois, notamment sur les événements. Un autre ami, Thomas, vient d’intégrer l’équipe et va gérer la communication, ça fait du bien !
Big Up les gars <3
En dehors de nous trois, plusieurs artistes gravitent autour du label, comme Mooglee (ndlr : résident Steppin’Motion), Chris. Gorrie, Alex Dima, Lee Burton, Chris Carrier, Djebali, Thomas Andrew ou encore toutes les pointures qui soutiennent les promos, je pense à Raresh, Jamies Jones, les Apollonia, Enzo Siragusa, etc… Ainsi que plusieurs amis, côtoyant de près ou de loin la musique ou les milieux artistiques.
Le label compte déjà deux sorties remarquées de Mihai Popescu à son actif ! Peux-tu nous en dire un peu plus sur les projets à venir ?
Yes ! La première année, je souhaitais seulement présenter le label et sa ligne directrice, c’est pour cela que l’EP de Mihai est en deux parties, afin d’illustrer les deux aspects du label.
Le parti-pris musicale se tourne clairement vers une approche clubbing, mais avec un soupçon mélodique, qui nous touche émotionnellement.
Quant aux prochaines sorties, je travaille actuellement sur un EP d’Enrico Mantini, un de Chris Carrier sous son alias Monsieur Georget et un du talentueux Italien Jackie, qui sortiront cette année.
Je suis également sur un split EP entre deux artistes que je respecte énormément, qui sortira après l’été… Et sur une grosse soirée dans mon club préféré en Europe, à vous de deviner lequel…
C’est déjà la sixième soirée que vous organisez cette année ! Quel est votre mantra, votre objectif avec ces soirées ? En quoi sont-elles différentes ?
Déjà ahah, ça passe vite ! Le but de ces soirées, c’est de créer un endroit de connections et de découvertes.
Pour illustrer ce concept, c’est encore Turin qui m’a inspiré.
Lorsque j’ai débarqué à Turin ; je ne connaissais personne et ne parlais pas un mot d’italien (et une grande partie des italiens ne parlent pas anglais ahah).
J’ai eu la chance de rencontrer rapidement Alex Dima, résident pour Kappa FuturFestival, et leurs soirées clubbing « Shout », il m’a présenté à énormément de personnes passionnées et passionnantes, qui m’ont elles-mêmes intégré à leurs groupes alors qu’on n’arrivait même pas à parler la même langue… Ils sont aujourd’hui devenus des amis proches !
C’est ce genre d’ambiance que l’on cherche à créer : un endroit où tu peux venir seul(e) et être à l’aise, rencontrer quantité de gens de différents pays et horizons, passer la soirée avec eux, bien t’entendre avec, qui vont te faire rencontrer d’autres personnes, et donner cette ambiance familiale qui nous est chère.
Au niveau découvertes, c’est surtout un parti-pris artistique. J’essaie d’inviter à jouer ceux que je considère comme de réels DJs, des artistes qui savent raconter une histoire et t’emporter avec eux dans un voyage musical en faisant ressortir leurs influences, et non pas juste l’artiste hype du moment, qui va jouer les dernières sorties efficaces.
Pour le public, ça signifie ne pas forcément connaître les artistes avant la soirée, et en sortant, s’être pris une claque, et revenir pour cela (du moins on l’espère).
On essaie également de garder un équilibre entre ramener ces artistes établis ne passant pas souvent comme Valentino Kanzyani et Enrico Mantini, ou n’étant jamais encore venus en France, tels que Ho Do Ri (Fabe + Ben Balance), et des amis et artistes émergents d’un peu partout en Europe.
Peux-tu nous parler des cinq éditions précédentes ? Quels souvenirs en gardes-tu ? Quelles prestations t’ont le plus marqué ?
Pour le moment, je suis super content de ces éditions, humainement et musicalement parlant. Je suis fier de notre travail et qu’elles aient rencontrées un tel succès.
Comme dit plus haut, j’essaie de proposer des artistes qui sortent de l’ordinaire et que les gens ne connaissent pas forcément, donc ça a parfois été difficile financièrement.
Par exemple, sur la 2e soirée en Juin, on a entamé la soirée avec une seule prévente vendue ! (rires). On en rit aujourd’hui, mais je vous avoue que quand on a vu ça, on n’était pas bien ahah.
On parie sur le long terme et vu comment 2019 se profile, on est confiants pour la suite.
Ce qui m’emplit d’énergie, c’est que petit à petit les events grandissent et que cette vibe à laquelle je tiens tant est bel et bien présente, des personnes viennent de tout horizon et pays, et à chaque fois nous disent qu’ils rencontrent rarement autant de gens aussi cools, que la musique était incroyable, ça fait vraiment chaud au cœur !
Après son passage en septembre, Alex Dima nous disait même qu’il s’était senti comme à la maison à Turin, et plus récemment, Lee Burton nous disait qu’il avait adoré jouer pour nous, qu’il avait connecté du début à la fin au public…
Je crois qu’en tant qu’orga, mais également en tant que DJ, ce sont parmi les plus beaux compliments qu’on puisse nous faire.
C’est cette ouverture musicale du public dont je vous parlais qui permet à la magie de se produire …
Au niveau des prestations, plusieurs flashbacks me viennent en tête, comme le closing d’Oden & Fatzo à la première soirée en janvier 2018, ou en juin quand j’ai pu caler un son ambiant pendant 3-4 minutes en plein set vers 5h30 et que le public était bouillant, ou sur celle de septembre quand notre résident Mooglee a mis tout le monde d’accord dès 1h du matin, ou encore les gens qui faisaient des roulades sur la piste à la fin de la soirée pendant le set d’Alex Dima, … Il y en a déjà tellement ! J’ai hâte de vivre les prochaines et voir ce qu’elles nous réservent pour tout vous dire ahah
Pour cette sixième édition, tu invites le duo Ho Do Ri, de qui est-il constitué ? Les connais-tu depuis longtemps ?
Yes, super content de les inviter pour leur première en France ! Ho Do Ri, c’est le mélange entre Fabe et Ben Balance, deux figures de proue de la scène Mannheimoise.
Cela fait plusieurs années que je suis ce qu’il se passe du côté de Mannheim, avec Ray Okpara et Move D, et quand j’ai vu cette nouvelle génération avec les gars émerger, je me suis pris une claque.
C’est pour moi le son qui va exploser dans les mois à venir. C’est un duo qui me tient à coeur.. J’avais invité Fabe l’an dernier pour mon premier event, et on s’était dits que je l’inviterai de nouveau un an plus tard, pour voir l’évolution du label.
Depuis, on s’est vus plusieurs fois, notamment au Sunwaves et à Mannheim, et j’ai rencontré Ben Balance et Tim Etzel, qui sont bouillants musicalement et adorables humainement.
De fil en aiguille je me suis dit que ce serait sympa de faire Ho Do Ri, qui est une approche plus minimaliste de leur musique, déjà très épurée : ils essaient de créer une musique réduite à son essence, sans fioritures.
Et quand tu vas à Mannheim dans leur QG ou au Parker Lewis, tu te rends compte que c’est aussi leur vision de la fête et de la vie : pas besoin d’artifices, une salle intimiste et juste quelques LED, un système Void Acoustic parfaitement réglé et c’est parti. Cela s’illustre également dans leur vision de la musique, ce sont de vrais passionnés, présents pour les bonnes raisons.
Tu as récemment organisé avec le collectif madrilène Roots, comment les as-tu rencontré ? Est-ce que les collaborations sont importantes pour toi ?
Cela fait plusieurs années que je suis ce que fait Roots du côté hispanique, et lors d’un voyage à Madrid chez un ami, j’ai eu la chance de rencontrer le Crew.
C’était une sacrément belle soirée, et c’est d’ailleurs là que j’ai vu Alffie jouer pour la première fois. Cette nuit-là, j’ai su qu’on construirait un jour quelque chose ensemble.
Depuis, Roots n’a cessé de grandir. Toujours avec des lineup 5 étoiles à Madrid, et plusieurs dates à Ibiza à leur actif.
Je pense qu’on se retrouve sur le fait de ne pas reposer uniquement sur des headliners pour nos soirées : on considère que nos résidents respectifs sont autant doués et à mettre en avant que des artistes pour l’instant plus connus.
Deux ans après cette rencontre, Roots et Alffie sont venus pour leur première fois à Paris avec nous, et ça, ça fait plaisir !
C’est aussi un honneur pour nous d’avoir pu faire le premier showcase du label à l’étranger, que ma première date en Espagne ait été chez eux, et d’avoir pu pouvoir y inviter Djebali et Roberto Amo.
Pour les collabs, on essaie de n’en faire qu’une poignée par an car ça demande beaucoup plus de temps qu’un event classique. C’est surtout une histoire de feeling à vrai dire, quand on rencontre des gens avec qui on partage la même vision de la musique et de la vie, on se dit que ce serait bien de faire quelque chose ensemble. Pour nous, il s’agit de grandir tous ensemble plutôt que de se marcher dessus 🙂
Quelles écoutes nous conseillerais-tu pour nous mettre dans les meilleures conditions possibles avant la soirée ?
Hmm.. Difficile celle-là ahah. Je dirais de checker ces différents podcasts :
Ho Do Ri
L’album de Fabe qui vient de sortir
Le VA de Valioso Recordings pour leurs 5 ans
Ce podcast de Tim Etzel ou son EP à venir sur Pleasure Zone, il a une approche plus planante mais toujours punchy, propre à la scène de Mannheim.
Ce podcast de Mooglee qui vient de sortir
Et un podcast de ma part (plus bas dans l’interview), mais le plus important c’est surtout de rester musicalement ouvert.
Aux Motion, on ne sait jamais dans quelles directions les artistes vont partir, ce n’est que si les artistes sentent que le public est ouvert qu’ils peuvent se sentir à l’aise et s’exprimer complètement, et c’est là que la magie opère … 😉
Pour ceux qui veulent approfondir, je recommande ce podcast de Ray Okpara, ça sature pas mal, mais la selecta est next level…
Ou sinon ces classiques du même artiste, qui représente bien la vibe de Mannheim: ce genre de “locked groove”, et un vocal entraînant…
Tu es également DJ et producteur, sous le nom de Swoop. On te retrouve d’ailleurs à l’affiche de la soirée. Cela fait longtemps que tu mixes et que tu produis ? Peux-tu nous détailler ton parcours musical ?
Yes, ça commence à faire un moment, ça fera 7 ans le 1er janvier que j’ai fait mon premier set, et niveau production, je dirais 5 ans, mais seulement depuis 1 an et demi sur cet univers plus minimaliste.
J’ai d’ailleurs sorti récemment mon premier son en free download via Recordeep.
Niveau parcours musical, je vais reprendre quelques éléments de ma bio, qui résume bien le sujet.
Navigue à travers les cultures via des grooves deep et minimalistes touchant le corps et l’âme.
C’est ainsi que Swoop se décrit en tant qu’artiste. Toujours partant pour mettre le cap sur de nouveaux horizons musicaux, ses sélections deep sont de vrais voyages et représentent sa propre façon d’approcher les cultures.
Ayant grandis influencé par un mélange éclectique de Deep-House, de Jazz, Rn’B et de Hip-Hop, Swoop a construit son environnement musical avec un spectre musical varié. Aujourd’hui, cela se traduit dans ses sets, dans lesquels il approche la musique comme une manière d’appréhender et de se connecter avec différentes cultures, de jouer sans frontières, du moment que c’est deep, et que cela met ton corps en mouvement et touche ton âme.
Tout d’abord en tant que DJ et ensuite en tant que promoteur, producteur et capitaine des labels Steppin’Motion et Oscil8, Swoop sillonne entre plusieurs voies pour s’exprimer musicalement. Il aime également organiser le Kappa FuturFestival et le Movement Torino Music Festival en Italie – un lieu de rassemblement et d’expression musicale.
Pour résumer, je dirais que j’aime voyager et faire voyager musicalement, mélangeant les genres et décennies en les passant sous le diamant des cellules. Je n’aime pas me limiter à un seul style enfait, je trouve ça chiant. J’écoute de tout, alors pourquoi ne pas mélanger tout cela ensemble ?
J’essaie toujours de me challenger question mix en incorporant de nouveaux styles, et j’espère un jour passer du hip-hop, du dub, du Jazz et autres styles dans mes sets, mais ce n’est pas toujours facile… Pour l’instant !
Pour illustrer mes propos, tu peux écouter mon dernier podcast, que j’ai enregistré comme ça quand je cuisinais des pâtes un soir : tu as du breakbeat, de l’électro, de la minimale, des classiques et même un peu de Soul.
Pour les connections en Europe, le Kappa a été une rampe de lancement d’une certaine façon, c’est ce qui m’a permis de rencontrer beaucoup de gens c’est sûr, mais surtout de voir comment les pro travaillent, et de m’en inspirer. Tout est parti de là 🙂
Comment vois-tu le futur de cette industrie ? Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Hmm bonne question… Je ne sais pas si je suis la bonne personne pour y répondre ahah.
Mais je dirais que la scène “underground” (que ce soit la rominimal, l’électro de Frankfurt, ou les musiques minimales) va continuer de grandir et d’évoluer.
Et qu’on a la chance d’avoir une scène qui tend à devenir plus musicale, dans le sens où les artistes recherchent une réelle musicalité, dans un monde et une industrie qui tend à s’industrialiser et chercher l’efficacité, la croissance, le rendement.
Dans le sens où en offrant plus de visibilité, l’underground tends à devenir plus commercial au fur et à mesure que le bassin d’audience qu’il touche s’agrandit. Toutefois, en parallèle de ce développement , la scène underground évolue également afin de s’en différencier. C’est aussi ce phénomène qui fait vivre ces mouvements en y plaçant des tendances et contre-mouvances.
Dans tous les cas, bien entendu, les réseaux sociaux jouent un rôle important en rendant plus visible (de façon mondiale) une scène musicale qui était invisible du grand public. De la même façon que les N.W.A ont faits réaliser la violence quotidienne des ghettos de L.A au grand public américain, les réseaux sociaux ont permis de rendre plus visible certains artistes, notamment les groupes de digging, les classements de DJs, les classements Beatport (certains labels disposent de bots qui achètent une même musique jusqu’à ce qu’elle atteigne une certaine position dans ce top, afin de servir d’outils de communication / d’augmentation de cachets pour leurs artistes). Bien entendu, cela s’est tourné en business, et s’est éloigné de ce qu’il y avait d’underground… D’ailleurs, certains acteurs ont cessés ces classements, à l’image de ResidentAdvisor.
C’est surement pour cela que le retour du vinyl peut être expliqué… À une époque où tout est visible et disponible (trop ?), l’exclusivité a d’autant plus d’impact… Je t’invite à lire « L’oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique » de Walter Benjamin, qui grossièrement, dit qu’à défaut d’être unique, l’oeuvre d’art actuelle trouve sa valeur (son aura) dans la quantité de reproductions et le nombre d’utilisations différentes qui en sont faites…
Hâte de voir comment la scène va évoluer en tout cas, et heureux de pouvoir en faire partie 🙂
Quant à quoi nous / me souhaiter…
De pouvoir en vivre !
De pouvoir continuer de rencontrer et de travailler avec des personnes aussi passionnées. Dans un milieu compétitif certes, mais où tu peux contacter quelqu’un à l’autre bout du monde et commencer à parler naturellement, où les gens sont eux-mêmes.
Et que Steppin’Motion, l’équipe et les artistes du label, ainsi que ma propre carrière continuent de grandir de cette façon.
Je suis super fier de mon équipe et de tout ce qu’on a accomplis en 2018, alors que ce n’était que les échauffements… Les projets pour 2019 s’annoncent déjà d’une toute autre envergure, j’ai tellement hâte !
Merci beaucoup pour ces questions, en espérant vous voir sur la piste 😉