Proche de Ten Fingerz du label Frappé, nous lui avons laissé un espace à part entière pour évoquer l’actualité et le poids politique des musiques électroniques, techno et house, dans l’histoire « récente » de différentes luttes comme le racisme, l’équité entre les artistes et la représentation des noirs dans les musiques électroniques.
Introduction
A l’heure où certains reprennent à tu tête « Freed from desire » dans des open airs de plus en plus prisés, d’autres peuvent entendre – en tendant l’oreille – les drums machines porter aussi la voix de la révolte, qui gronde dans la société pandémisée.
Car oui, le monde connait des problèmes plus graves que de savoir où pouvoir danser cet été, comme l’a bien compris par exemple United4Equity, avec sa compilation « Melt The pot » soutenue par notre François X national :
On y trouve 31 tracks martiales qui donnent envie de faire du Kung Fu Fighting sur le dancefloor. Cette initiative lancée suite au #blacklivesmatter, vise à promouvoir l’équité entre les artistes et à traduire en actions concrètes, au-delà du buzz des réseaux sociaux, la représentation des noirs dans les musiques électroniques.
La sortie de cette compilation ravira sans doute Jeff Mills, qui déplorait l’an dernier que la techno ait perdu sa capacité à porter un message plus politique pour laisser place à une musique « bubblegum ». En effet, par leurs origines et leurs histoires Techno & House se sont toujours inscrits dans la contre-culture, avec des tracks et des labels qui ont mis en musique les voix des opprimés et une certaine idée de la révolte. Sélection non-exhaustive de titres porteurs de messages, à écouter autant les bras en l’air que le poing levé.
Joe Smooth – Promised Land
Sous ses paroles simples et universalistes ce gros club classic cache un hymne à la tolérance : il faut se rappeler qu’il est sorti en 1987, à une époque où la House est aux Etats-Unis une musique écoutée majoritairement dans les clubs black et gays.
Cece Rodgers – Someday
Autre club classic datant de 87, l’appel à la tolérance et à l’amour entre les communautés de Someday (dont les paroles ont été écrites par Marshall Jefferson) reste malheureusement toujours d’actualité en 2020.
The revolution will not be televised – Soul Rebels
Critique des médias et de la société de consommation, les lyrics de Gill Scott-Heron écrits en 70 collent parfaitement à ce rework groovy proposé par Soul Rebels sur Defected au début des années 2000. En 2020, le poète remplacerait « Televised » par « on Instgram » et le texte garderait toute sa pertinence…
DJ Q – we are One
Des paroles d’intro en guise de motto, avant d’envoyer une track au groove assassin ; ou comment le militantisme musical des pionniers de Détroit s’est propagé jusqu’à Glasgow.
Vibezone – Lesbianism
Une belle ligne de basse et un clavier funky portent un texte parlant sans détour de lesbianisme et de la question de la domination masculine : une track qui donne à penser tout en continuant de danser.
Liquid People – Dreams
Une très bonne track de House qui en plus a du sens : le beat profond et les cuivres de Liquid People portent la voix de Martin Luther King et de son discours historique, prononcé lors de la marche sur Washington de 63. Fort.
Beruriers Noirs – Porcherie
Que vient faire ce morceau de Punk français ici vous demandez-vous ? Joué régulièrement par Laurent Garnier depuis des années, son geste soulève depuis peu la polémique auprès d’une partie du public.
Sexy Sushi – Je refuse de travailler
Un titre à faire écouter à tous les cadres en burn out, dans lequel Rebekkah Warrior hurle son refus du monde du travail, sur une musique digne d’un film de John Carpenter. Inspirant.
DK7 – Slipstream
Une voix vaporeuse posée sur une énorme ligne acide et qui répète en boucle qu’elle veut « sortir du sillage »
Undergroud Resistance Riot EP
Sorti un an avant les émeutes de L.A., un EP de pure Techno de Detroit, qui sample Luther King dans un puissant appel à la révolte.
Interstella Fugitives – Destruction of Order
Près de 20 ans après Riot EP, Underground Resistance et ses Interstella Fugitives sont toujours à la pointe de la techno politique et militante, à grand renfort de basses et de lyrics engagés.
Autechre – Flutter
Une track composée en réponse au Criminal Justice and public order act de 94, qui cherchait à interdire au Royaume-Uni les rassemblements de plus de 20 personnes écoutant de la musique « caractérisée par un rythme répétitif » : une époque où la chasse aux ravers était une véritable chasse aux sorcières. En modifiant la partie rythmique tout au long du morceau, Autechre parvient à envoyer un message politique sans prononcer le moindre mot, se servant des machines comme d’un stylo.