Entretien avec Pit Spector qui vient de sortir son 1er album « Mindoor » chez Logistic Records

« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous » disait Paul Eluard. Rendez-vous était pris pour Pit Spector. Après moult sorties EP des plus remarquées, et attendant l’occasion venue, le producteur français a sorti le 25 septembre dernier le coloré « Mindoor », son premier album chez Logistic Records avec la participation de 9 producteurs de talent avec des influences électroniques tantôt brutes et funky. L’occasion de lui poser quelques questions.

ItinéraireBis : vous venez de sortir votre premier album ‘Mindoor’ en 20 ans de carrière. Dans un monde où tout doit aller plus vite que la musique, à quel moment cette envie vous a-t-elle trotté dans la tête ? Qu’avez-vous ressenti au moment de sa sortie ?

Pit Spector : comme vous l’avez souligné, depuis 2006 j’ai sorti plus de trente EPs, le format maxi étant très répandu dans la scène électronique.
Cet album est né de ma rencontre avec l’équipe de Logistic Records qui m’a donné l’occasion de revisiter nombre de morceaux prévus pour des EPs. Grâce à leur direction artistique, j’ai revisité ces sessions pour en faire un long format cohérent.


De l’eau a coulé sous les ponts depuis vos débuts avec, au fil du temps, de belles sorties, et notamment votre label Prospector. Justement, racontez-nous un peu vos débuts et les influences musicales qui vous ont porté tout au long de votre parcours. S’il fallait choisir quelques titres qui vous ont influencé et transformé en tant qu’artiste, lesquels seraient-ils ?

J’ai commencé a écouter de l’électro à la fin des années 90 grâce à mon frère Ark qui sortait ses premiers disques sous Trankilou avec Pépé Braddock. Il m’a fait découvrir Mathew Herbert, Jeff Mills, Daniel Bell et tant d’autres. C’était une période d’affirmation de l’électronique et beaucoup de grands albums m’ont marqué à cette période comme Ok Computer de Radiohead, 2001 de Dre, les albums d’Aphex Twin…

Par la suite, après des études de discothécaire où j’ai développé un amour pour tous types de musiques, j’ai beaucoup écouté Isolée (Rest), Ricardo Villalobos (Alcachofa), J Dilla (Ruff Draft), Odd Future (The OF Tape Vol.2) et beaucoup de Jazz (Thelonious Monk, Charles Mingus,…)


Pour votre premier album, vous avez invité de belles références de la musique électronique (house et minimale) avec TIN MAN, Dandy Jack, Ernesto Ferreyra, ARK, Ben Vedren, Cuthead, San Proper, Dave Aju, Emmanuel Ferraz et The Mole. Comment le choix des artistes s’est-il fait et quelles relations avez-vous avec chacun d’entre eux ?

Cet album est un ensemble de collaborations issues des sessions Prospector, un label concept alliant résidence en studio, concerts et disques que j’ai lancé en 2014. Avec mon associé Matthieu Bellaiche, nous avons contacté des artistes que nous aimions pour leur proposer le projet et tous ont répondus présent. Cela a été des moments privilégiés d’échanges et de création dont le disque se veut un témoin.

Mindoor est disponible sur toutes les plateformes


Ces collaborations ont permis l’apprentissage et l’échange de nombreuses techniques de production de votre côté. Justement, quelles sont vos méthodes de production habituelles et que vous ont apporté vos différentes collaborations ?

Je produis sur le logiciel Ableton Live depuis mes débuts et ce logiciel permet une grande liberté pour créer et enregistrer tous types d’instruments. Mon autre « outils » est le studio dont je dispose à Montreuil depuis 2010. C’est un laboratoire de création rempli d’instruments et de machines diverses. Les collaborations m’ont permis de découvrir les setup de chaque artiste ainsi que leurs workflow. De grandes expériences humaines et musicales!


La musique est un, si ce n’est le meilleur moyen de faire passer des messages universels. En ces temps de troubles liés à la crise sanitaire (mais pas que), de quel message est porteur votre premier album ‘Mindoor’ ?

Dans ce contexte merdique de distanciation, j’ai voulu mettre en valeur le travail en commun, les échanges entre artistes et la liberté de création. Cet album a impliqué beaucoup d’artistes qui me sont chers ainsi que toute l’équipe de Logistic tant pour la création de la pochette que pour sa diffusion. Je suis reconnaissant envers toutes ces personnes et fier que ce projet puisse voir le jour.


Le secteur culturel est particulièrement touché à cause du COVID-19. Comment vivez-vous cette période très compliquée pour tous les professionnels de la musique et quel est votre programme pour la promotion de ‘Mindoor’ ? D’autres formes de promotion autres que physique sont-elles envisagées par exemple ?

L’avenir est très incertain pour tout le secteur culturel et il n’y a pas de visibilité sur la possibilité de se produire en concert. J’ai la chance d’avoir le statut d’intermittent ce qui est une rareté dans la scène électronique française et un véritable parcours du combattant (43 concerts déclarés par ans). Ca me permet tout juste de survivre mais je me sens vraiment chanceux par rapport à nombre de producteurs et DJs.

Pour Mindoor j’ai la chance de travailler avec Logistic qui est un label bien structuré et présent depuis 1996 avec de nombreuses sorties mythiques. Nous avons un clip en préparation dont le tournage a été retardé par la pandémie. Nous sortons aussi un Bonus Ep en novembre avec 5 titres inédits.

J’ai aussi travaillé sur une version live de l’album qui n’attends que la réouverture des salles de concert.


Parlons un peu de la scène électronique actuelle en France. Quels sont les artistes que vous suivez de près en ce moment ?

Je dois avouer que depuis 2 ans et la naissance de mon fils, je suis moins assidu sur les sorties de disques. Je suis l’actualité d’artistes proches comme Sweely, Ben Vedren, DKO records, Versatile records, mais je papillonne pas mal dans d’autres styles. J’aime beaucoup le travail de Bonnie Banane et suis impressionné par la vitalité de la scène hip hop actuelle même si ça me fait prendre un coup de vieux 🙂 .


Dernière question avant de se quitter : quels sont vos meilleurs souvenirs de scène depuis le début de votre carrière musicale ?

J’ai beaucoup joué avec ma formation initiale Antislash et c’est avec cette équipe que nous avons découvert Berlin en 2006. Nous avons eu la chance de jouer dans les meilleurs clubs de la ville comme le CDV, le Bar 25 et le Panorama Bar. J’aime beaucoup jouer à Berlin qui est comme La Mecque pour un fan de musique électronique. J’ai évidement aussi adoré les années passées au Zéro Zéro Bar, petit bar parisien dont j’ai été résident pendant plus de dix ans. Pas de souvenir précis mais un ensemble de moments précieux que je souhaite vivre à nouveau quand ce sera possible!