Rencontre avec les organisateurs et artistes de la résidence multidisciplinaire Déclic à Caen

Si l’on réunit des producteurs de musique électronique, de hip hop, un pianiste jazz, une chanteuse, une chorégraphe, un producteur de pop et un chercheur sonore dans un même lieu pendant une semaine, que se passe-t-il ? La résidence Déclic a tenté l’expérience et voici ce qu’il en ressort. Entretien avec les organisateurs et artistes de la résidence Déclic.


ItinéraireBis : pouvez-vous vous présenter ?


Antoine : je fais partie de la structure Neuvième Ruche qui organise principalement des ateliers, des rencontres, des résidences autour de la musique. Dans tout ça, il y a aussi le Déclic festival. Le but de Déclic est de faire un lien entre le public et les artistes, pour éviter de simplement voir des artistes se produire sur scène et puis basta. L’idée c’est d’échanger en amont, se rencontrer, pour découvrir le travail des artistes et proposer ensuite des plateau live ou dj sets. L’année dernière, on a monté ce festival en partenariat avec Adrien qui a une structure qui s’appelle Collectif Toujours.

Adrien : je suis musicien (Samba de la Muerte), producteur et fais partie du Collectif Toujours que j’ai monté il y a deux ans. On organise des concerts, produit des spectacles et aussi un label de musique. Donc une grosse partie de ma vie c’est de faire de la musique et des tournées, mais aussi cette résidence artistique “Déclic” que l’on a monté il y a deux ans et que j’adore car elle remet la création au centre notamment pour des artistes qui ont des difficultés en ce moment à diffuser leur musique.

Rodolphe (la cerise sur le gâteau) : je fais principalement deux choses. Premièrement, je développe des dispositif d’enregistrement de son de mon environnement en tant que chercheur sonore dans une boite d’audio visuel qui s’appelle U2P 050 qui est une entreprise à vocation artistique et philosophique.

L’idée de mon taf est d’apprendre à enregistrer l’invisible dans notre environnement en utilisant différentes techniques de captations comme le stéthoscope, l’hydrophone, le détecteur à ultrasons pour essayer d’enregistrer des sons qu’on n’a pas l’habitude d’écouter.

J’utilise aussi ces techniques dans mon environnement musical à travers un projet qui s’appelle “Brun” ou je fais de la musique électronique un peu ambient avec des bruits de mon environnement et de mon corps.


ItinéraireBis : quelle est cette résidence Déclic ?


Antoine : en fait, cette résidence s’inscrit en parallèle du Déclic festival. Il s’agit d’une résidence pluridisciplinaire : Danse, musique et vidéo. Malgré l’annulation du festival en novembre, nous avons décidé de maintenir la première semaine de résidence. Et la deuxième semaine s’est passée tout dernièrement en février.

Adrien: pendant cette semaine on a essayé de nous recentrer sur l’humain. On ne cherche pas à avoir un produit final à tout prix. On a privilégié l’expérience humaine et artistique. Il y aura quand même un petit documentaire pour montrer ce qu’il s’est passé pendant cette semaine, les processus de créations, les réflexions qu’on a eu.

On est basé dans un endroit qui s’appelle le Tapis Vert en Normandie qui est une espèce de manoir avec différents espaces de création avec des instruments de musique et du matériel d’enregistrement. Cela laisse aux artistes la possibilité de travailler seul ou en groupe.

Rodolphe : on avait l’habitude de travailler en atelier de deux ou trois personnes dans ces espaces. On a aussi fait des enregistrements en extérieur.


ItinéraireBis: comment choisissez-vous les artistes que vous allez réunir pour travailler tous ensemble ?


Antoine : chacun de notre côté, Adrien et moi avons fait une liste d’artistes qui nous inspirent, et ensemble on croise ces listes et on voit quelle serait le meilleur mélange. Par exemple, cette semaine on a fait venir un pianiste de jazz, un producteur de musique électronique.

Adrien : on essaie de croiser les univers et de mettre ensemble des artistes qui ne se seraient jamais rencontrés en studio ou sur scène. Récemment, on a reçu Nils du groupe Global network; Gauthier Toux, pianiste; Neysa, chanteuse du groupe UTO; Flora Pilet, chorégraphe; Rodolphe Macabeo, chercheur sonore et Nomac, producteur de musique.

https://www.youtube.com/watch?v=OSkr64r9LA4

ItinéraireBis : est ce que le travail était cadré ou les artistes avaient une liberté complète ?


Antoine : on a lancé quelques idées en début de semaine, il y a eu une chorégraphe qui s’appelle Flora Pilet qui nous a rejoint, qui a un peu orienté la résidence et poussé les artistes à mener des activités communes.

Adrien : un des travaux qu’on a fait était d’utiliser le corps de Flora pour enregistrer des sons comme le battement de son cœur pour créer de la musique. Mais aussi des bruits extérieurs grâce au matériel de Rodolphe, et intégrer les rythmes du corps, le rythme de la nature dans la musique. Les musiciens étaient là pour harmoniser tous ces sons. Une des contraintes était de ne pas utiliser de kick ou 808 mais les sons du corps. Et finalement le corps d’une danseuse était une ressource importante. Et au bout d’un moment, tous les artistes avaient envie de vivre cette expérience et de danser. On a finalement créé aussi des mouvements de chorégraphie tous ensemble avec l’aide de Flora.


ItinéraireBis : en tant qu’artiste, pourquoi participer à cette résidence ?


Rodolphe : j’aime l’idée de faire le lien entre les musiciens et la danse. Adrien et Antoine voulaient pousser plus loin cette relation classique entre la musique et la danse qui est d’habitude de coller une chorégraphie sur un son. Là l’idée c’était d’aller chercher de la musique du corps grâce à la danse notamment. On a fait par exemple en impro ou Flora a dansé au rythme de son propre battement de cœur. Ça a donné un résultat qui a été filmé et qu’on pourra vous montrer dans le documentaire. C’était un moment clé de la semaine.

J’ai aussi fait un travail en tant qu’expérimentateur sonore pour aller chercher des sons et nourrir le travail des musiciens présents. On a pu capter des ambiances sonores dans la nature, dans l’eau et dans le corps humain.


ItinéraireBis : quel bilan pouvez-vous tirer de ces quelques jours passés ensemble ?


Rodolphe : ce qui m’a marqué c’est que nous sommes arrivés ici sans se connaître. Naturellement les choses se sont déliées, on a partagé nos projets pour nous rendre compte de ce que chacun pouvait apporter à l’autre et composer tous ensemble et s’inspirer tous ensemble.

Antoine : je retiendrai tous ces moment d’échange pendant les repas entre autre ou l’on discute de musique, de tout et de rien qui a créé une espèce de bulle de liberté très précieuse surtout en ce moment.

Adrien : je n’oublierais jamais ce repas où nous avons dansé tous ensemble, ça a été capté pour le documentaire, et ce contact humain et philosophique autour de la création qui fait beaucoup de bien.


ItinéraireBis : comment pourra-t-on avoir accès à votre travail ?


Antoine : c’est une bonne question ahah… le documentaire sera certainement disponible sur le site de la Neuvième Ruche prochainement et nos réseaux respectifs. On aimerait aussi construire une banque de sample accessible à tous grâce au travail effectué cette semaine.


Interview par Victor Legrand


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