La fête comme on la connaît semble évoluer et se muer vers de nouveaux horizons. Sur ItinéraireBis, nous allons essayer de comprendre et de trouver les raisons de cette mutation.
Il est un temps où sortir en club était un réflexe pour décompresser à sa manière toute la nuit durant. Une routine générationnelle bien ancrée dans nos mœurs et nos habitudes post-adolescentes depuis des décennies. Un acte de rébellion face à notre entrée dans « le monde des adultes », parfois (souvent) morose où le lâcher prise n’est pas la norme.
Pourtant, depuis quelque temps, cette habitude, ce réflexe tend vers une décroissance programmée. Une demi-surprise, tant la courbe de fréquentation des clubs ne cesse de chuter depuis des années. Mais alors, quelles sont les causes de cette chute vertigineuse ? De facto, les raisons sont multiples et révélatrices de notre époque. Nous allons essayer de les énumérer et d’anticiper la suite.
Les générations Y et Z différentes de leurs aînés ?
Les nouvelles générations n’ont plus le même appétit de la fête que leurs aînés. Un phénomène qui s’explique par l’insécurité des lieux festifs, souvent décriée et récurrente dans le monde de la nuit. Les agressions au GHB sont une des causes de cette désertification des clubs pour ces générations sensibles à ces questions. Par exemple, les soirées en appartement (ou maison) sont une manière de se protéger de cette insécurité ambiante.
La manière de consommer tend aussi vers plus de modération. Terminer les beuveries et les excès en tout genre. Un mal pour un bien, dirons-nous ? Pas pour tout le monde. Les professionnel(e)s du secteur s’inquiètent de la fréquentation en baisse de leur lieu, mais aussi de la consommation au bar. Un des éléments principaux qui permet à une soirée d’être viable ou pas. Une soirée sold out ne garantie plus un résultat phénoménal au bar, et cela change tout. Un mix entre plus de sobriété et une économie non négligeable au portefeuille, car, il faut l’avouer, sortir reste un luxe pour un(e) jeune étudiant(e) ou nouvellement sur le marché du travail.
Une nouvelle ère post-COVID
Il est indéniable que le COVID a joué un rôle important dans la manière de sortir. Enfermé(e)s durant des mois, la quête de liberté et de grands espaces s’est rapidement fait sentir chez les jeunes et les moins jeunes. Pourquoi donc aller s’enfermer dans une boîte pour danser ? C’est une question philosophique et sociologique intéressante pour essayer de comprendre cette nouvelle approche de la fête.
Les festivals, open airs, raves et autres événements en plein air ou dans des hangars ont profité de cette envie viscérale de respirer le grand air durant les événements. Les différences sont nombreuses entre ces événements, mais le but reste le même : ne pas être enfermé(e) : « L’être humain n’est pas libéré, mais incarcéré par le progrès : on travaille dans des boîtes, on sort en boîte, on se rend au travail dans sa caisse, en attendant de finir dans une dernière boîte…« . Pierre Rahbi.
Trop de choix tue le choix
Observateur et acteur de cette scène électronique locale foisonnante, ItinéraireBis défend la scène actuelle Corps et âme. Les DJs, producteurs, labels, collectifs et orgas ne cessent de se multiplier. Une démocratisation de la musique électronique salvatrice sur le papier, mais qui cache un problème de fond : comment choisir sa soirée face à une multitude de choix ? Ce choix est parfois cornélien, voire impossible. Certes, nos artistes préféré(e)s multiplient les dates dans l’Hexagone, mais à quel prix ? Le public a désormais le choix de « sacrifier » une soirée pour une autre une semaine plus tard, par exemple. L’exclusivité se fait rare et la lassitude, parfois, peut vite pointer le bout de son nez.
La proposition croissante d’événements plus ou moins semblables fait des victimes. Un cycle économique « en entonnoir » faisant le ménage pour les moins solides face à un secteur intrinsèquement instable. La dure loi de l’offre et de la demande finalement. Les machines de guerre de l’événementiel tiennent grâce à des prestations de plus en plus surréalistes ou à l’empilement de gros noms. Mais pour combien de temps ?
La fête est-elle foutue ?
Soyons optimistes, la fête existera toujours. Un des moyens les plus simples de s’évader le temps d’un instant. Elle évolue et se transforme sans aucun doute. Comme notre rapport à l’autre et à notre manière de consommer les choses. Les réseaux sociaux sont un élément de cette nouvelle manière d’appréhender les sorties nocturnes qui diffère des époques antérieures où les informations ne sortaient pas ou moins.
Est-il temps également de se réinventer ? Proposer autre chose qu’un DJ set classique, mais plutôt un show complet (et original) qui marque les esprits. Une expérience où les noctambules sont des acteurs et des actrices de l’événement, et non spectateurs et spectatrices d’un guest ou d’un autre.