ItinéraireBis est parti à la rencontre des DJs à « double casquette » qui exercent un métier « classique » le jour et nous font danser la nuit. Focus aujourd’hui sur la DJ Coleeeette.
ItinéraireBis : bonjour Coleeeette. Peux-tu te présenter à notre communauté.
Coleeeette : je m’appelle Gwenaëlle, je suis originaire de Rennes et je vis à Paris depuis 10 ans. Je joue sous le nom de Coleeeette, petit clin d’œil à la romancière. Passionnée par la fête et la musique électronique, j’ai grandi en Bretagne et écumé tous les festivals : Transmusicales, Astropolis, Made, Panorama… J’ai toujours été attirée par les rythmes techno et les sonorités disco. Mon amour pour la House, la vraie, celle de Chicago, s’est développé par la suite. Mes amis faisaient partie de collectifs comme Chevreuil et Texture, je passais beaucoup de temps à les observer jouer. Il y a environ 10 ans, pendant une soirée, j’ai essayé quelques transitions sur une vieille platine et un copain m’a complimentée, me disant que je devrais m’y mettre sérieusement. J’ai donc acheté mon premier contrôleur, commencé à digger et à jouer de temps en temps. Il y a trois ans, j’ai fait mes débuts en club à Paris, poussée et fortement soutenue par mes amis. J’ai eu la chance de faire de belles dates et de jouer dans beaucoup de lieux et festivals : Marvellous Island, La Zozolonie, La Rotonde, Superflu, La Mano et il y en a d’autres à venir. Tout ça me rend la plus heureuse, je sais ce qui me fait vibrer et j’essaie de faire découvrir mes trouvailles aux gens qui viennent me voir.
Ça, c’est ma vie nocturne… Le jour, je travaille dans la tech ! Et non la techno…
IB : quel métier exerces-tu le jour ? Ton activité de DJ influe-t-elle sur ton métier ? Ta direction est-elle au courant ?
Coleeeette : je travaille chez Bpifrance en tant que “Digital Culture Leader”, un de ces nouveaux postes très transversaux dans le domaine de la tech. Mes missions sont diversifiées : gestion de projets, organisation d’événements, partenariats… L’objectif est de promouvoir la culture digitale de Bpifrance aussi bien en interne qu’en externe.
Dans mon ancien travail, au sein d’une institution bancaire dont je tairai le nom, c’était l’horreur. On m’avait rapidement collé l’étiquette de “teuffeuse”, ce qui était évidemment très mal vu. Pour qu’on me laisse tranquille, je finissais parfois par mentir. Mais chez Bpifrance, l’ambiance est beaucoup plus jeune et détendue. Mon directeur a même un groupe de rock, on parle souvent de musique. On en avait d’ailleurs discuté dès mon entretien d’embauche et je pense que ça a joué en ma faveur. Mon supérieur direct est vraiment sympa, il m’encourage et signe parfois ses mails par “bon mix” quand je joue le soir même. C’est adorable !
IB : quels sont les avantages et les inconvénients de cette double casquette ?
Coleeeette : les avantages, selon moi, sont la stabilité et le niveau de vie. J’ai un poste à responsabilités, ce qui me permet de bien gagner ma vie et de rembourser mon prêt étudiant (encore à 29 ans…). J’ai beaucoup d’amis dans la musique et je sais que ça ne rapporte pas toujours beaucoup, surtout quand on n’a pas encore vraiment percé. Les inconvénients, bien sûr, c’est le manque de temps… J’ai obtenu une certification pour produire à côté, mais je ne trouve pas le temps de geeker sur Ableton… Je travaille énormément, je suis parfois épuisée, et donc, quand je rentre, je ne prends pas le temps de jouer chez moi. C’est très frustrant tout ça.
ItinéraireBis : as-tu déjà pensé à tout quitter pour tenter ta chance dans le Djing et/ou la production ?
Coleeeette : oui, c’est une idée qui me revient souvent. Même si je mixe depuis plusieurs années, j’apprends encore et toujours. Déjà, mon envie de produire est forte et c’est l’une de mes priorités pour l’année à venir. La musique, c’est toute ma vie et je veux vraiment bien faire les choses. Pas de précipitation, j’attends le bon moment. J’ai la chance de pouvoir concilier mon travail et ma passion, en jouant presque tous les week-ends, donc ça va. Mais un jour, ce sera à plein temps, c’est sûr !
À mon futur booker ou manager, si tu tombes sur ce message 😉
IB : une anecdote croustillante liée à ta double casquette ?
Coleeeette : mes collègues écoutent souvent mes sets. Ce n’est pas particulièrement croustillant, mais ça me touche vraiment. Le mieux, c’est quand je leur demande au bureau : « T’écoutes quoi ? », et qu’ils me répondent : « Bah, j’écoute Coleeeette, tu connais ? ». Ils sont fans, ils viennent même à mes gigs, je les adore !
ItinéraireBis : quel est le track qui collerait parfaitement avec ton métier ?
Coleeeette : je dirais « Jump to it – Double 99 »
L’expression « jump to it » veut dire agir rapidement ou se lancer immédiatement dans une tâche, sans attendre. C’est une manière énergique d’encourager quelqu’un à passer à l’action sans perdre de temps. C’est exactement ce qui se passe dans mon boulot : la réactivité est le maître mot.
IB : quels conseils donnerais-tu à de jeunes DJs qui mènent une double vie le jour et la nuit pour gérer bien gérer leur temps ?
Coleeeette : je pense qu’il faut définir clairement ses objectifs avant tout. Il faut aussi prendre le temps d’organiser cette double vie et de gérer son temps libre. Le repos et une vie saine, c’est la clé !
IB : en dehors de ton métier et du Djing et de la prod, as-tu d’autres passions qui te portent ?
Coleeeette : oui ! En parallèle je fais de la photographie argentique (compte Insta). J’immortalise mes voyages, mes soirées, mes amis… Je trouve que la photo et la musique partagent un lien dans leur rapport au temps, à l’émotion et à l’expression de l’intangible. Parfois, je combine les deux : je mixe, puis je capture des moments de la soirée. C’est toujours sympa de découvrir le résultat en développant les photos. C’est un peu comme redécouvrir un set qu’on aurait enregistré : la pellicule réserve son lot de bonnes (ou mauvaises) surprises !
IB : le mot de la fin…
Coleeeette : 31.10 @superfluparis – 09.11 @waxbarparis – 31.12 @olympiad.festival ♥️
Propos recueillis par Vincent Barrier
Crédits photo / Photo à la Une : @ilbenoit