Interview « Double Casquette » avec mdbgr

ItinéraireBis est parti à la rencontre des DJs à « double casquette » qui exercent à métier « classique » le jour et nous font danser la nuit. Focus aujourd’hui sur la DJ et organisatrice de soirées mdbgr.

ItinéraireBis : bonjour mdbgr. Peux-tu te présenter à notre communauté.

mdbgr : je m’appelle Marie, j’habite à Paris.
Depuis 10 ans, je suis curatrice le jour au sein de l’agence & média Coup d’été (anciennement Tafmag), et DJ et organisatrice de soirées la nuit.

Je fais partie de deux duo : Mana Function (trance & hardgroove) récemment lancé avec le DJ et producteur Bubs ; et DJ babes (italo house) co-fondé avec Pauline, mon associée au sein de Coup d’été, il y a une dizaine d’années. J’ai également co-fondé le collectif Amour d’Amour (piano house, house), qui est le rassemblement des deux duos Coeur Fou et DJ babes ; et je mixe aussi en solo sous mon alias mdbgr (EBM, IBM, dark disco, techno).

J’ai toujours adoré – joué et écouté – la musique sans me cantonner à un seul style, et avoir plusieurs projets musicaux me permet de satisfaire quelques unes des multiples facettes musicales qui m’animent.

ItinéraireBis : quel métier exerces-tu le jour ? Ton activité de DJ influe-t-elle sur ton métier ? Ta direction est-elle au courant ?

mdbgr : le jour, je suis curatrice et cheffe d’entreprise au sein du média et agence Coup d’été. C’est à la fois un média qui part à la rencontre de créatifs et artistes actuels qui font mouche, des photographes, réalisateur•rices, curateur•rices, peintre•sses, illustrateur•rices, etc. ; et une agence créative. C’est à dire que l’on fait collaborer ce pool d’artistes sourcés avec nos clients, des lieux et marques, à Paris mais aussi à l’étranger sur des missions de direction artistique, curation et événementiel.

Pour ma part, ces deux mondes se nourrissent l’un et l’autre. Ça a d’ailleurs évolué car au départ, bien que j’ai toujours communiqué sur les deux casquettes, je pensais que cette facette DJ pouvait me desservir face à mes clients de « ma vie de jour ». Ce qui donnait des situations absurdes où malgré le fait que je mixais depuis déjà plusieurs années, j’avais encore du mal à m’identifier comme « DJ ». Cette sensation d’illégitimité m’a suivi au départ car je pensais – à tord – qu’il fallait choisir son camp et qu’une double casquette n’était pas crédible. Assez récemment finalement, j’ai compris que j’avais besoin des deux pour être heureuse et équilibrée, et qu’aucune des deux casquettes ne cannibalisait l’autre.

Aussi, étant donné que j’ai commencé à mixer avec mon associée Pauline, on se retrouvait sur cette double activité et c’était vraiment chouette. On était (on est toujours) les DJ babes la nuit et les co-fondatrices de Coup d’été le jour. Ça a donné des situations très cocasses où l’on devait tenir des réunions à 9h devant un client alors que l’on avait mixé toute la nuit.

ItinéraireBis : quels sont les avantages et les inconvénients de cette double casquette ?

mdbgr : je trouve qu’il y a énormément d’avantages à vivre cette double casquette. On ne rencontre pas les mêmes personnes de jour comme de nuit, on ne vit pas les mêmes expériences ou on n’aborde pas les mêmes sujets dans les secteurs que je fréquente grâce à mon métier et dans ce milieu de la nuit que j’aime tant. J’adore être connectée aux deux réalités et je trouve cette double vie super enrichissante.

À savoir que certaines personnes rencontrées dans le cadre des DJ sets sont ensuite devenues des clients, collaborateurs ou partenaires au sein de Coup d’été, ou inversement, j’ai déjà mixé à des événements de gens rencontrés lors de missions Coup d’été. Tout se nourrit !

La seule difficulté à laquelle je pense, c’est la fatigue. C’est important d’avoir un certain équilibre et une bonne organisation pour préserver sa santé mentale et physique, mais pour ma part, je vois plutôt cette situation comme une force.

Au final, c’est cette double casquette qui me donne de l’énergie et me nourrit. Je pense que je m’ennuierais si je ne vivais pas de ces deux activités-passions.

J’ai une forte stimulation visuelle de jour via les artistes et les œuvres que l’on déniche ou les projets que l’on crée, et une stimulation auditive en ce qui concerne cette autre facette musicale. Ma créativité et ma curiosité sont constamment stimulées, et j’adore ça !

ItinéraireBis : quelle perception as-tu de la scène électronique actuelle ? Quelle serait pour toi la première chose à améliorer ?

mdbgr : la scène électronique actuelle est en pleine effervescence et il y a teeellement plus de DJs et d’acteur•rices de la nuit que quand j’ai débuté il y a 10 ans. Ça peut d’ailleurs être un peu vertigineux si l’on veut continuer de se tenir au courant des dernières nouveautés.

Il y a aussi beaucoup plus de femmes et de minorités de genre, qui sont fort heureusement de plus en plus considérées dans ces métiers, bien qu’il reste encore de très nombreuses améliorations à faire.

Mais ces changements sont en cours grâce à certain•es artistes qui prennent la parole, grâce à des collectifs formidables ou des organisateur•rices d’événements qui ont envie que les mentalités changent et que ces espaces de liberté et de fêtes soient plus safe, représentatifs et inclusifs.

Le métier a par ailleurs évolué depuis l’omniprésence des réseaux sociaux et particulièrement depuis la pandémie. Même si l’on n’est « que » DJ, on est aussi community manager, booker, RP. Être DJ aujourd’hui, c’est déjà être multi-casquette !

ItinéraireBis : as-tu déjà pensé à tout quitter pour tenter ta chance dans le Djing et/ou la production ?

mdbgr : je ne souhaiterais pas avoir cette unique activité, j’aime trop pouvoir jouer sur les deux tableaux pour me consacrer uniquement au DJing et à la production.

ItinéraireBis : quel est le track qui collerait parfaitement avec ton métier ?

mdbgr : Kara Okay – Passion through my mind. Une track beaucoup jouée en set et qui colle totalement avec mon métier de curatrice artistique et de toutes les activités que le statut d’entrepreneure engendre. Les rencontres, le mouvement constant, les découvertes artistiques, les remises en questions, les nouveaux projets, les voyages, la passion nécessaire pour tenir le rythme.


C’est aussi une track super upvibe, qui met une patate de fou en set. Vraiment, c’est 100% validé, quelque que soit l’heure et l’audience. Ce côté optimiste, joyeux, énergique, c’est quelque chose que je défends et dans mes sets, et dans notre sélection artistique Coup d’été. C’est un remède aux difficultés quotidiennes, à ce monde qui peut parfois paraître vain et qui me met trop souvent en colère. C’est une manière d’essayer d’avancer de façon solaire pour que les autres autour de nous puissent – aussi – rayonner.

ItinéraireBis : quels conseils donnerais-tu à de jeunes DJs qui mènent une double vie le jour et la nuit ?

mdbgr : savoir dans un premier temps si la double casquette est souhaitée ou subie. J’ai la chance de m’épanouir dans cette double vie, mais je connais pas mal de DJs qui sont contraint•es de la vivre par soucis financiers.

Si la double casquette est souhaitée, je donnerais simplement des conseils pour tenir sur la distance : s’entourer d’un environnement bienveillant, être organisé•e et savoir parfois déconnecter, prendre soin de sa santé mentale et physique pour ne pas s’épuiser trop vite. En somme, savoir dire stop quand c’est nécessaire pour mieux repartir par la suite.

ItinéraireBis : en dehors de ton métier et du Djing et de la prod, as-tu d’autres passions qui te portent ?

mdbgr : manger, ça compte comme passion ?
La montagne, l’art en général, lire, aller au cinéma, au musée, flâner dans Paris, découvrir de nouveaux endroits, écumer les disquaires des villes où je me rends, clubber …

ItinéraireBis : le mot de la fin…

mdbgr : je finirais par dire que si la double casquette permet une indépendance financière et artistique, de n’avoir de compte à rendre à personne artistiquement parlant, alors lezzgoooo


Interview par Vincent Barrier

Crédits photo / Photo à la Une : Caroline Barbier