ItinéraireBis est parti à la rencontre des DJs à « double casquette » qui exercent à métier « classique » le jour et nous font danser la nuit. Focus aujourd’hui sur le DJ et producteur Dalton John.
ItinéraireBis : bonjour Dalton John. Peux-tu te présenter à notre communauté.
Dalton John : je m’appelle Maynard, j’ai 31 ans.
J’ai commencé à mixer il y a 12 ans, et à composer quelques années plus tard.
Mon projet musical est axé autour de la House UK et ses sous-genres. J’y apporte mes influences culturelles que ce soit de la techno, de la french touch ou de l’afro, de manière à ce que mes sets soient habités d’une énergie festive et contagieuse.
Mes compositions pour le moment prennent plus le temps d’être écoutées, j’aime proposer un univers complet, et traiter les musiques électroniques avec la même attention et finesse que les autres styles de musique plus populaires.
Je compose également pour les artistes de la scène Rap Française et Pop Française.
ItinéraireBis : quel métier exerces-tu le jour ? Ton activité de DJ influe-t-elle sur ton métier ? Ta direction est-elle au courant ?
Dalton John : Creative Strategist en free-lance, pour des agences de publicité en France, en Europe. En bref, j’imagine des concepts de campagnes pour les marques, en 360 (affichage, radio, tv, internet, activations, etc.), je pense la stratégie de déploiement puis j’oeuvre à la réalisation de tout cela.
Les gens avec qui je collabore son systématiquement au courant, et ça fait partie du charme de mon profil. Mon métier requiert d’être 100% immergé dans son époque, de vivre et comprendre son temps.
Je pense que tout dépend de la manière avec laquelle c’est présenté. C’est toujours une force d’avoir plusieurs activités, tant que l’une n’empiète pas sur l’autre.
IB : quels sont les avantages et les inconvénients de cette double casquette ?
Dalton John : je pense que pour beaucoup, les avantages sont déjà matériels : le fait d’avoir un revenu plus ou moins récurrent, mais ainsi plus élevé que ce que peuvent apporter les cachets en club.
Dans mon cas, avoir une autre activité me permet de développer d’autres skills dont bénéficient toutes mes facettes. Étant producteur, ça m’aide à toujours être au top en terme de créativité, et même parfois d’associer la composition à certains projets publicitaires.
ItinéraireBis : quel est pour toi la notion de (re)creative house music ? As-tu des producteurs ou productrices qui t’inspirent actuellement ?
Dalton John : je fais de la création, et de la récréation ! C’est comme ça que je résume toute ma vie de manière générale. Dans une cour de récré, on s’amuse de toutes les manières qu’on veut. Il n’y a pas vraiment de règles à suivre, si le jeu te plaît tu peux y jouer. Et si tu veux en inventer un, avec tes propres règles, tu peux. C’est absolument comme ça que j’imagine mon espace de composition : ma musique est à la croisée des chemins entre plein de choses, et j’ai envie de continuer à la rendre récréative.
Le seul problème c’est qu’autant l’auditeur moyen que l’industrie ont besoin d’un cadre et d’un référentiel qui les rassure. De mettre les gens dans un genre, dans un style, etc.
Parfois les gens ont peur que ma musique soit trop calme pour le club, parce que j’aime bien ce qui est solaire, énergique, joyeux : mais dans ce registre là, on peut monter à 150bpm ! J’adore jouer de manière très énervée en club, tout en proposant un truc moins sombre que la tendance actuelle.
J’aime trop ce délire de préparer l’amusement de manière sérieuse. J’aime bien sentir le travail de l’artiste derrière ses compositions, et quand c’est diablement efficace, alors que derrière il y a un travail titanesque. J’aime beaucoup ce que font Sammy Virji, Salute, Okgiorgio, DJ Seinfeld, Duskus, Four Tet, Piri & Tommy … pour ne citer qu’eux !
Ils ont leur propre délire, ça donne envie d’inviter les gens à venir voir ce qui se passe dans le fond de ma tête.
ItinéraireBis : as-tu déjà pensé à tout quitter pour tenter ta chance dans le Djing et/ou la production ?
Dalton John : alors, oui et non. J’ai opté pour le freelance, qui me permet de faire des bascules assez aisément, et de changer mes priorités en fonction du rythme de mes activités. Il y a des années où j’ai été full musique, parce que ça s’y prêtait et les revenus étaient là. Et d’autres où j’ai dû faire 50/50. Je pense qu’aujourd’hui nous sommes dans un monde où nous pouvons faire plusieurs choses en même temps, ça demande juste de l’organisation si on veut être efficace dans tous les segments.
ItinéraireBis : une anecdote croustillante liée à ta double casquette ?
En 2017, avec le patron de l’agence de pub dans laquelle je travaillais, nous avons fait le pari d’organiser une soirée en club. Elle s’appellait “Supersoirée”, et nous avions bookés Yuksek, Club cheval, DJ FALCON, ALAN BRAXE, Pain Surprises Records, Jess & Crabbe / Bazzerk et moi-même. On avait fait un partenariat avec Transavia, qui était un de nos clients phares etc. C’était super cool de mélanger les deux mondes.
ItinéraireBis : quel est le track qui collerait parfaitement avec ton métier ?
Louis Cole – When You’re Ugly.
Le clip commence par la phrase “WHO CARES”.
“When you’re sexy, people wanna talk to you
When you’re ugly, no one wants to talk to you
When you’re ugly, there is something you can do, called
F*ck the world and be real cool”
ItinéraireBis : quels conseils donnerais-tu à de jeunes DJs qui mènent une double vie le jour et la nuit ?
Dalton John : se donner à fond autant que faire se peut dans les deux. Mais ne pas négliger le repos. Ne quitter l’un pour l’autre que si ce dernier nous en arrache, et propose une qualité de vie solide et supérieure aux deux cumulés. Et aussi faire ce que vous voulez musicalement. Ne vous enfermez pas dans un style, proposez des voyages aux gens !
ItinéraireBis : en dehors de ton métier et du Djing et de la prod, as-tu d’autres passions qui te portent ?
Dalton John : oui, j’aime énormément la lecture. Dans toutes ses formes. Que ce soit des articles de presse ou des romans ! J’aime écrire de la poésie, des nouvelles. J’écris des blagues pour des gens parfois aussi. J’aime beaucoup raconter des histoires en fait : c’est pour ça que je fais de la musique, et mon autre métier finalement. J’ai d’ailleurs commencé à poser des bases de scénarios de films : qui sait, peut-être qu’un jour j’écrirai quelque chose qui finira sur vos écrans, ce serait beau !
ItinéraireBis : le mot de la fin…
Dalton John : je n’ai pas de conseils spéciaux à donner ou quoi que ce soit. On est tous dans le même bateau, et on fait avec !
Je ne sais pas qui à besoin de lire ça, mais il ne faut jamais se décourager : la pensée est créatrice. Quand on croît assez fort à des choses, si on se donne les moyens d’y arriver, la vie s’orchestre, la matrice s’agence, pour nous offrir un chemin praticable. Il ne sera pas forcément le plus facile d’accès, mais il nous permettra de matérialiser d’une manière ou d’une autre ce que nous avons parfaitement conçu en esprit. Ayez confiance, pour de vrai !
Interview par Vincent Barrier