Interview « Double Casquette » avec Moostik

ItinéraireBis est parti à la rencontre des DJs à « double casquette » qui exercent à métier « classique » le jour et nous font danser la nuit. Focus aujourd’hui sur le DJ Moostik (Facebook et Instagram).

ItinéraireBis : bonjour Moostik. Peux-tu te présenter à notre communauté ?

Moostik : salut, Moostik… Mon parcours dans les musiques électroniques est assez diversifié. Dans les grandes lignes, en tant qu’organisateur, j’ai eu la chance, tout jeune, de faire mes armes et d’apprendre avec des équipes qui ont contribué à la naissance de la Rave dans mon département (l’Yonne), puis de connaître l’explosion des Free Party en France et d’y apporter ma petite pierre, notamment au Dôme de St Ange.

Plus tard, On m’a confié la programmation des week-ends d’une salle de concerts et la grille électronique d’une web radio sur Bordeaux. C’est d’ailleurs dans cette belle ville que j’ai eu mes premières résidences en tant que DJ.

J’ai aussi monté en parallèle, plusieurs assos avec des amis sur Sens/Bordeaux et Paris, dont Volum’ (Résidence sur la Terrasse du Batofar et dans la cale avec des guests comme Kiko ou Jack de Marseille ou d’autres séries de soirées comme “Acid Whirl” avec Chris Liberator, Prélude au 4 Eléments, etc…).
Maintenant spécialisé dans la communication des domaines culturels, je suis accueilli par un collectif “jeune” de ma région : Hardbass. Travailler avec cette production me donne l’occasion de bosser sur des matières que je n’avais pas encore approchées : Très prochainement, la 4ème édition “Hardbass” du 12 avril, mais aussi notre programme 2026 qui s’annonce fort en émotions avec le projet de mettre sur pied un char pour la Techno Parade puis dans la foulée organiser une Rave sur la salle Auxerrexpo avec un plateau incroyable…

J’avance avec les codes de cette génération montante, propose ma vision du truc depuis mon expérience, on s’écoute, on s’engueule, on rigole… C’est passionnant et stimulant. Et puis ça donne du sens à mon parcours d’être avec ce groupe, en Bourgogne à ce stade de mon chemin… Le tout en faisant régulièrement le DJ depuis le tout début… mais moins depuis la cassure du Covid. Je pense être passé par la quasi-totalité des styles pour me poser depuis presque 5 ans sur la Techno Anglaise et son Acid que je joue en vinyles. Aucun parti-pris envers le numérique, la touche Synch. etc … au contraire, je trouve que ce sont de très bons outils, c’est juste que j’aime faire cette musique sur plaques et le côté collection.

ItinéraireBis : quel métier exerces-tu le jour ? Ton activité de DJ influe-t-elle sur ton métier ? Ta direction est-elle au courant ?

Moostik : la semaine, je suis à l’accueil d’une structure qui accompagne des personnes en difficulté et en travail d’appoint, à côté, je propose différentes prestations en communication dans le domaine culturel.
Je joue principalement sur des samedis, surtout beaucoup moins qu’avant et suis super rigoureux dans les séquences octroyées à chaque activité, donc ça n’influe en rien sur les deux autres.

Aussi, j’ai la chance d’avoir un encadrement souple, même si j’en parle peu, j’ai l’impression qu’il est au courant de mes activités annexes, et que cela ne pose aucun problème. Cet emploi en semaine doit être ce que l’on appelle un “travail alimentaire” mais je m’y sens bien, j’aime ce que j’y fais, je n’ai aucune contrainte à bien faire mon job.

ItinéraireBis : quels sont les avantages et les inconvénients de cette double casquette ?

Moostik : on est sur de la “triple casquette là”… je m’ennuie peu dans la vie déjà.
Mon poste en accueil n’est pas fatigant, que ce soit physiquement ou de manière cérébrale. J’ai de l’énergie à revendre pour mes prestas en com’ et allez faire tourner des disques le week-end.

Par contre, les disciplines de la communication sont très chronophages, on peut très rapidement être débordé si l’on n’est pas organisé. Elles peuvent aussi rapidement et régulièrement générer un stress certain.

J’ai plus envie de parler d’équilibre que “d’avantage ou d’inconvénient”, je le maintiens avec ces 2 activités (enfin la plupart du temps). Le djing vient en marge, c’est un déffouloir, une parenthèse.

ItinéraireBis : quel regard portes-tu sur la scène actuelle ?

Moostik : j’aime beaucoup ce qui se passe, la génération actuelle s’est appropriée la Techno (j’entends là toutes les musiques électroniques) avec ses codes et c’est sain. J’ai le sentiment que l’une des forces de la culture Rave est dans sa perpétuelle évolution avec l’époque en cours. Je ne suis pas forcément d’accord avec tout ce qui se passe mais je me sens encore moins légitime d’être le mec qui explique comment ça doit se passer parce qu’à l’époque ça se passait comme ça”… D’ailleurs, c’est pas parce ça se passait comme ça que ça doit rester figé comme ça et (re) d’ailleurs, à 16 ans je l’aurais envoyé balader ce gars. Je m’accorde juste un peu de nostalgie… Certainement la même que la génération actuelle aura dans 10 ans.

ItinéraireBis : as-tu déjà pensé à tout quitter pour tenter ta chance dans le Djing et/ou la production ?

Moostik: j’ai survécu de la zik quelques années quand je vivais dans le sud-ouest puis j’ai repris un travail à côté, mais c’était une autre séquence. Il y avait moins de monde derrière les platines. Être DJ était moins accessible, rien que d’un point de vue financier, une MK2 et surtout les disques ça coûte un bras et puis restait aussi cette petite barrière de la technique. Puis on est passé à l’ère du numérique avec la platine CD d’abord. Un morceau coûte (me semble) 2 € maxi en fichier contre plus de 10 € un vinyle : y’a pas photo. Plus besoin de balader de bac, la touche synchro qui facilite la technique, le contrôleur qui fait son entrée peu de temps derrière. Tout cela a permis un accès plus facile/rapide au mix.

Mais ça n’est pas un mal, au contraire je serais plutôt pour cette démocratisation. Ça a offert a beaucoup de gens la possibilité de s’y mettre et de grossir les rangs, d’être un courant plus suivi donc moins “inquiétant”… Mais ça a eu aussi l’effet pervers et malheureusement inévitable de créer une plus grosse proposition d’artistes, à partir de là, il devient plus compliqué de trouver des dates.
L’entrée dans le « game » des réseaux sociaux a aussi radicalement fait évoluer tout ça, du jour au lendemain n’importe quel artiste bénéficiait d’une visibilité en connexion avec le monde. Ça a été une très belle avancée, mais aussi avec le revers de créer plus tard un fossé entre les artistes avec ou sans surface financière.

Peu de DJs parviennent à se faire encadrer par de réelles agences de booking et la réalité du terrain actuel est que de se lancer dans une carrière sans ces structures demande des notions de communication et pourrait aussi s’apparenter au métier de commercial pour trouver des dates. Accéder à une carrière de DJ dépend aussi de la visibilité de ses morceaux dans une industrie musicale aujourd’hui saturée, composer et vendre de la musique qui laisse une empreinte considérable sur le marché pour sortir du lot et pouvoir accéder à un niveau de cachets qui permet d’en vivre.

Même si je ne fais pas dans le bénévolat, je ne suis pas dans le truc de la carrière… certainement parce que je me suis mal débrouillé et aussi par fainéantise de tout ça. J’aime mixer, faire la fête c’est déjà un job à plein temps.

ItinéraireBis : une anecdote croustillante liée à sa double casquette ?

Moostik : jouer sur une fête de la musique, se coucher… se lever, partir au travail … et s’apercevoir qu’on est 2 h en avance sur son poste… Sous le regard interrogateur de ses collègues… ça c’est fait !

ItinéraireBis : quel est le track qui collerait parfaitement avec ton métier ?

Moostik : c’est compliqué, je vais faire une pirouette et te donner un track Acid Techno que j’aime beaucoup “One night in Hackney” de Dynamo City sur le label Anglais Stay Up Forever (évidemment). Le morceau raconte la nuit et ses excès d’un gars qui fait sa première teuf sur Hackney. Au-delà du disque qui est bon, il y aurait peut-être un message à entendre. Je le joue super souvent.


ItinéraireBis : quels conseils donnerais-tu à de jeunes DJs qui mènent une double vie le jour et la nuit ?

Moostik : le maître mot resterait, à mon sens, le “sommeil”, penser à s’aménager des temps de récupération.

Et peut-être de garder une réserve sur le fait de parler de son activité du week-end dans un cadre professionnel différent. Même si les lignes bougent beaucoup depuis un moment, la Techno semble toujours avoir cette image de vilain petit canard, de culture en marge (au même titre que le Rap, mais pour d’autres raisons). Ça aurait tendance à m’irriter d’ailleurs : notre zik est dans les publicités, au cinéma… partout, mais reste aux yeux du grand public “une musique de camés qui fait boumboum”… Ce peut être problématique avec des personnes qui ne font pas l’effort de faire un pas vers notre culture.
Encore une fois, je me rends bien compte que le regard change, la prog. de la cérémonie de clôture des Paralympiques 2024 en témoigne, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire. J’ai beaucoup de chance d’avoir un environnement compréhensif mais ça n’est pas partout pareil.

ItinéraireBis : en dehors de ton métier et du Djing et de la prod, as-tu d’autres passions qui te portent ?

Moostik : j’aime bouquiner mais je ne sais pas si on peut rentrer ça dans la case passion. Sinon la bonne cuisine, j’adore manger !

ItinéraireBis : le mot de la fin…

Moostik : on vous attend en forme et de bonne humeur le 12 avril prochain pour la Hardbass 4 !
(infos sur notre Facebook et Instagram Hardbass et à venir sur ItinéraireBis) ! Rave on !


Interview par Vincent Barrier