Nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions aux fondateurs de Make It Deep, la webradio parisienne qui fait maintenant figure de référence en matière de house. D’abord émission de radio, le projet s’est ensuite paré de nouvelles casquettes. Il regroupe aujourd’hui un webzine spécialisé, différents projets radios et l’organisation régulière d’événements dans l’hexagone. Retour sur ces cinq premières années d’aventures enrichissantes !
« La radio, c’était quelque chose que vous aviez envie de faire depuis longtemps quand vous vous êtes lancés ?
La radio était un média pour lequel nous avions une vraie affection et que nous écoutions régulièrement. La voix, c’était un vecteur qui nous parlait vraiment et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a toujours fait du talk dans nos émissions, alors même que ce n’est pas un format très courant dans les radioshows de musique électronique.
Mais ce n’était pas quelque chose que nous voulions faire à proprement parler. La radio s’est un peu imposée à nous, parce que nous avons eu l’opportunité d’exploiter un studio en 2013 et que l’occasion était trop belle pour ne pas tenter l’aventure !
Qu’est ce qui a changé/qu’est-ce qui est resté depuis la création de l’émission ?
A part Léo et moi, presque tout a changé ! On est entrain de préparer un best of de nos 5 ans de radio en prévision de notre anniversaire et on s’est repassé les premiers shows qu’on avait enregistré dans notre ancien studio, vraiment gênant. Des blancs de plusieurs dizaines de seconde, des micros qui tombent, des pépins techniques, et une écriture radiophonique approximative. Mais ça fait partie du jeu ! La radio c’est compliqué, ça ne s’invente pas et il faut beaucoup travailler pour obtenir un résultat correct.
Dans la forme ça a beaucoup changé aussi puisque l’émission qui intégrait avant une interview plus un live d’artiste s’est transformée. Aujourd’hui, on ne fait plus que du talk sur des sujets économiques, sociologiques ou historiques des musiques électroniques. C’est un pari osé parce qu’on a pu remarquer au fil des années qu’il n’y a pas, chez les consommateurs de musique électronique de vraie volonté de comprendre le fonctionnement du milieu en profondeur.
Quels sont vos objectifs pour cette année 2018, comment souhaitez-vous que le projet Make it Deep évolue ?
L’année 2018 est vraiment charnière pour nous parce que nous avons pour certains décidé d’y consacrer beaucoup plus de temps. A l’origine, c’était un projet d’étudiants passionnés qui avaient envie de transmettre leur vision de la musique et d’organiser des événements. Mais au fur et à mesure que la graine a poussé, on a eu le désir d’aller un plus loin et de voir si on ne pouvait pas dégager un modèle économique, parce qu’on aimerait pouvoir vivre de notre passion évidemment.
Aujourd’hui on a un site flambant neuf dont on est vraiment fiers sur lequel on propose beaucoup de contenus audio avec des podcasts, des émissions, beaucoup de premières et des articles concoctés par notre super équipe rédac. On a donc aussi ce nouveau format radio et on essaye de s’améliorer dans l’organisation de nos soirées, sur des lieux et des capacités d’accueil plus importantes, c’est essentiel pour notre développement.
Qu’est ce qu’on pourrait nous souhaiter pour 2018 ? D’abord d’être sold out sur tous nos événements, ce qui commence à être la cas, pour pouvoir conserver et développer notre activité de média, radio et internet, ce qui est plus compliqué. On a aussi une super team de Djs résidents qui composent le Make It Deep Soundsystem et on voudrait les voir tourner beaucoup plus pour 2018, à bon entendeur !
Après ces premières années d’existence, quels sont vos meilleurs souvenirs autour de l’émission ?
C’est toujours compliqué de répondre à ce genre de questions. Il y en a tellement… On est déjà à notre 106ème émission donc dégager quatre ou cinq moments… Mais instinctivement, il y a forcément les émissions que l’on a pu faire avec des artistes américains grâce à nos potes du regretté collectif District, avec Terrence Parker et Los Hermanos d’Underground Resistance. Les longues interviews avec Jeremy Underground et Nick V restent aussi d’excellents souvenirs et des émissions très réussies. Le live de Flabaire il y a quatre ans juste après la sortie du D.ko 001 “Coeur d’artichaut” avait été un moment très spécial aussi. Mais chaque émission nous laisse un souvenir impérissable en fait. Toutes ces bières descendues dans le studio enfumé avec tous ces artistes, ces labels, ces acteurs de la scène electro francilienne et française… On aurait jamais pensé à l’origine avoir la chance de rencontrer autant de monde, avoir autant d’échanges passionnants, écouter autant de super sets chaque semaine. Certains sont devenus des potes, d’autres non, mais les souvenirs au micro resteront tous inoubliables.
Vous êtes aussi connus pour organiser des soirées aux line-up pointus, mais prisés par le public, comment se fait votre choix/sélection lors de l’organisation de celles-ci ?
C’est marrant parce que depuis que nos événements commencent à avoir du succès et que les gens nous ont repéré, c’est souvent ce qu’on nous dit, on nous colle cette étiquette de “line-up pointu et quali”. On ne pense pas être plus pointards que d’autres, même si on fait très attention à l’identité de notre programmation. Si nos événements sont prisés c’est aussi parce qu’on essaye d’être fédérateurs dans nos line up, tout en défendant une vision précise de la musique. Mais du coup on a essayé de comprendre pourquoi on nous attribuait cette image et on pense que la réponse se situe dans la manière dont on communique sur nos événements. On a tendance à beaucoup parler de l’histoire des artistes que l’on invite, de leurs influences, de leur discographie, de leur actualité.
On a cette fâcheuse habitude de plutôt partager la face B un peu obscur que le plus gros succès du mec. Pour nous, c’est important de recontextualiser tout ça pour que les gens comprennent vraiment qui ils iront écouter, et ce qui se cache derrière les 10 euros du billet qu’ils achètent. On pense être dans une démarche plus culturelle que festive, même si le but c’est quand même de faire la teuf. Et ça se retrouve aussi quand on sort en club, on y va avant tout pour écouter un set ou un live plus que pour se vider la tête ou décompresser même si ça fait partie du lot !
Quand on se penche sur la prog d’un événement, on essaye de trouver le juste milieu entre passion et attractivité. Avec la concurrence qu’il y a aujourd’hui à Paris, il faut jouer des coudes et c’est pas toujours évident. Le public n’a jamais été autant sollicité et gâté, et a donc des exigences bien supérieures à celles d’il y a 4 ans par exemple, quand on a commencé à organiser des événements. On s’attache donc à proposer des plateaux que les gens n’ont pas l’habitude de voir, des mecs qui n’ont pas joué depuis longtemps à Paris, des projets live inédits ou monter un B2B encore jamais présenté. Il n’y a pas vraiment de règle si ce n’est de surprendre !
Vous avez organisé il y a peu une soirée spéciale mettant en avant des artistes japonais comme Soichi Terada au Trabendo… Était-ce une volonté de longue date de mettre en avant les artistes Japonais ? Qu’est-ce qui vous attire dans leur musique ? Comment s’est passé l’organisation ?
En fait cette soirée au Trabendo était la deuxième édition de nos soirées Japan Connection ! La première a eu lieu l’année dernière au New Morning avec deux lives, l’un de Kuniyuki Takahashi qui fut le meilleur live de musique électronique que nous ayons entendu jusqu’alors et l’autre de Takecha.
Là encore, ce n’était pas une volonté de longue date à proprement parler, ça s’est un peu imposé à nous. On adorait la musique électronique nippone mais comme beaucoup on se disait que c’était un peu la galère de faire venir des artistes directement depuis Tokyo. Mais on était dans l’impasse parce que le New Morning a de vraies exigences de programmation et qu’on ramait un peu. Jordan, qui bosse sur nos événements depuis 2 ans a alors lancé l’idée de faire une soirée destinée aux lives de musique électronique japonaise et du coup, à l’intuition, on a tenté l’expérience. Et ça a été l’une des meilleures idées que l’on ait eue depuis le début, tant au niveau de la qualité des lives que de la rencontre avec ces artistes. L’événement a bien marché sans que ça soit un carton non plus, mais on voulait vraiment réitérer l’expérience, et plus encore installer un vrai rendez-vous annuel de la musique électronique japonaise à Paris.
Du coup, et grâce à la relation que nous avions tissé avec Kuniyuki qui est l’un des artistes électro les plus influents et respectés au Japon, on a eu l’opportunité de présenter la première mondiale (en dehors du Japon) de son trio avec Soichi Terada et Sauce81. On a galéré comme jamais à trouver un lieu adéquat pour accueillir un projet aussi unique. Et finalement on a trouvé un accord avec le Trabendo qui avec du recul était sans doute la meilleure salle que nous aurions pu choisir. Et là… Bah pas vraiment de mots pour décrire ce qu’on a vécu… Les trois jours que nous avons passé à Paris avec eux et l’équipe du festival Rainbow Disco Club, le Trabendo à guichets fermés alors que la neige avait bloqué une bonne partie de Paris, l’ambiance juste hallucinante de la première à la dernière minute, les retours de dingue des gens présents dans la salle. Un hit quoi !
Mais ce n’est pas vraiment les artistes que nous voulons mettre en avant sur les Japan Connection mais la production électronique japonaise en général. Elle a une identité marquée, une esthétique définie qui nous plait beaucoup et que nous avons envie de mettre en avant. Du très très lourd est d’ailleurs à prévoir de ce côté en 2019… stay tuned.
Côté artistes français cette fois-ci, sur qui pariez-vous en 2018 ?
Il y a tellement de bons artistes aujourd’hui en France. On est loin de tous les connaître et chacun peut éclore de façon différente. Donc on va plutôt parler des gars qui nous font vraiment kiffer en ce moment. On pense aux Disques Flegon qui font mouche à chacune de leurs releases et qui sont en plus de supers DJs. Neue Grafik semble sur une super lancée aussi et nous a vraiment régalé avec ses récents projets, notamment son live band. On est de gros fans de Flabaire depuis le début et les snippets de son prochain album laissent présager du meilleur. Côté révélations on a aussi bien saigné Too Smooth Christ, Sentiments, et la house du crew Increase The Groove qui fait vraiment du super taff. On conseille de suivre aussi de prêt ce que fait le Groove Boys Project qui avaient assuré comme des chefs pour la première partie de la Japan Connection et qui viennent de lancer leur label. Côté Djs on ne plébiscitera jamais assez les copains de Into The Deep, Saint-James aussi et son label Chuwanaga dont les deux premières releases valent vraiment le détour. Faut qu’on s’arrête parce qu’on pourrait continuer pendant des heures mais on en oublie tellement. Ca foisonne vraiment dans l’hexagone en ce moment et c’est le plus important à retenir !
Parlez-nous de votre prochaine soirée pour vos 5 ans à la Machine du Moulin Rouge avec les légendaires Glenn Underground & Boo Williams…
Tu l’as dit dans ta question, ça s’annonce vraiment légendaire.. On avait reçu Glenn Underground l’année dernière à La Plage de Glazart et il nous avait mis une sacré gifle. En plus on a du mal à trouver une discographie aussi géniale en matière de house que la sienne. Mais on voulait apporter un truc en plus pour nos 5 ans, pour vraiment marquer le coup. Du coup on a réussi à faire venir Boo Williams avec lui et reconstituer le Strictly Jaz Unit qui n’était plus venu à Paris depuis 5 ans. Là encore, difficile de trouver un label avec un catalogue aussi dingue que le leur. On a vraiment hâte de voir leur complicité à l’oeuvre. Le tout sur le central de la Machine où ils auront toute latitude pour muscler leur jeu, immanquable !
Et puis il ne faut pas non plus oublier Soundstream que nous avons déjà accueilli deux fois sur Paris et qui en plus d’être l’un des meilleurs producteurs européens de house, est un DJ hors-pair. Franchement, ce 13 avril s’annonce complètement dingue, on pouvait pas rêver mieux pour souffler notre cinquième bougie.
Que peut-on vous souhaiter pour les 5 prochaines années ?
Avant tout de continuer à nous éclater dans nos projets, de rallier toujours plus de gens à notre cause parce que le but de tout ça c’est le partage, et comme on le disait plus haut, de trouver un semblant de modèle économique pour continuer à exercer notre passion. Et puis évidemment des rencontres par centaines, de la fête, et beaucoup d’amour mais faut-il vraiment le préciser ! »