Il y a des festivals dont on entend parler parce qu’ils ont lieu dans des spots de oufs, parce qu’ils ont une programmation défricheuse, préfère un cadre un tantinet intimiste au grand rassemblement impersonnel… et parfois tout ça à la fois. C’est le cas du Positive Education. Imaginé par deux amis et produit par une bande de passionnés, le festival s’est imposé sur la scène nationale et internationale. Producteur et DJ avec une belle plume, on a envoyé Sina, notre espion tout terrain, nous faire un résumé de cette 3ème édition qui a eu lieu du 7 au 11 novembre.
Saint Etienne … ou Sainté pour les intimes
Un festoche à l’extérieur ça se prépare. On commence par le traditionnel logement. Je me souvenais de la douleur des nuits passées a errer d’after en after avant de trouver un lit où crécher pendant le Balea Pop et je m’étais promis de mieux m’organiser à l’avenir. Je me lance dans les requêtes d’AirBNB environ un mois avant l’event. Mais étrangement, une vague de logement indisponible sévit sur Saint Etienne sur ces dates. Propriétaires au courant d’une vague de jeunes teufeurs venus flinguer l’ancienne cité industrielle du Sud Est de la France ? Je change mon fusil d’épaule et me présente comme un professionnel de la culture venu en séminaire. Bingo.
Coup de chance, on est dans le même wagon que sir Marcorosso, Voiski et Pierre – membre éminent du 75021. Luc (aka Voiski) et moi-même nous nous calons face à face pour se faire écouter nos derniers morceaux. Une bonne manière de me préparer pour son live de ce soir. En arrivant sur place, tout le monde est unanime, commerçants, barmans et taxis : à St Étienne, y a rien à faire. On entend parler du musée d’art moderne mais évidemment celui ci est fermé jusqu’au mois de décembre. Côté architecture, une chose est sûre : la joie de vivre ne faisait pas partie des priorités des urbanistes du coin. Nous sommes donc condamnés à faire la fête et dormir, mais pas les deux en même temps. J’appliquerai à la lettre ce programme simple et binaire jusqu’à la fin du séjour.
Jour 1 : tout va bien
Arrivé tôt sur le festoche, Nico le boss de Club Maté et partenaire depuis la première édition nous fait découvrir les lieux. Un ancien site industriel gigantesque transformé en école d’art et pépinière d’entreprise. Ça tombe bien, on est là pour apprendre et entreprendre. Après avoir fait la tournée des bises – le backstage du festival abritant moultes copains allant des équipes de 75021 au Metaphore collectif – je retrouve Fred aka Umwelt. Avant de monter sur scène il me confirme que c’est bien son premier live en me montrant une photo de son set up essentiellement composé de machine hardware. Il jouera donc sans filet. L’intro très mélodieuse est idéale pour l’horaire et nous plonge dans son univers electro/rave. Après 30 minutes, il lâche les bêtes. Les rythmes se font plus francs et dansants et les quelques bassline acid font décoller les pieds de la foule. Derrière lui, l’américaine Volvox prend les platines sur un classique de I-F. Sur la piste, Micky (le fondateur de fut Voodoo booking), Clement Meyer et Isaac (aka YSnC) confirment le potentiel groove de la DJ en sortant leur plus beau move. Je la retrouverai plus tard dans la queue des toilettes backstage (haut lieux de socialisation), juste le temps de complimenter son set. Ne perdant pas le nord, elle me demande si elle peut passer devant moi “to pee real quick”. Ils ne perdent jamais le nord ces artistes. En tout cas ici la fête est lancée. Le public stephanois est impliqué et responsable. Plus âgé aussi, plus mixte; jeunesse arty, geeks introvertis, ravers repentis. J’apprécie. Pas de bousculade, de pieds écrasés ou de coup de coude. Les orgas ont géré l’accueil. Même si certains festivaliers déplorent l’absence de vestiaire, le reste est au poil: peu d’attente au bar/token, des zones de chills intérieures et extérieures et surtout une sécu adorable qui inspire le respect.
Sur la scène principale, Voiski nous démontre encore à quel point c’est le king du live. A côté de moi un mec enroulé dans une guirlande lumineuse se prend pour un sapin. Encore une tendance vestimentaire qui m’effraie sur l’avenir de la population. Je m’écarte un peu et fini par me dire que j’aurai dû ramener des lunettes de soleil.
3h du mat. Présent depuis 21h la veille je commence à faiblir. Direction la scène 3 et sa programmation “downtempo”. Interstellar Funk est en train de finir son set, plus interstellaire que funk. Il passe le bâton à Vladimir Ivkovic, l’un des DJs iconiques de cette nouvelle scène qui fait l’éloge de la lenteur en jouant tout type de musique dépitché. Plongé dans une sorte de douce trance je donne mes dernières forces collé au stack d’enceinte. Préférant garder des cartouches pour le lendemain, je file à 4h. Sobre mais heureux.
Jour 2 : De mieux en mieux
Réveil 15H, dehors un p’tit temps gris bien cheum à te tirer une balle. On décide de visiter le centre-ville à la recherche d’autres humains. La plupart des copains ayant fini en after on fini par se recoucher pour arriver frais comme des fruits de mers à 23H. Posé au bar, la soirée commence avec une grosse discussion musique avec Benjamin (boss de Tripalium, un des labels français dont on peut être le plus fier). Sujet du jour: notre gout pour les artistes éclectiques, les sorties incroyables de Trip (le label de Nina Kraviz) et bien sûr: jusqu’à quelle heure on prévoit de rester demain matin. Les paris sont pris.
Sur la scène principale, tout le monde attend Dopplereffekt. Le duo légendaire de Detroit a prévu une mise en scène unique, agrémentée de visuels rappelant leur univers nouvelle technologie (de 1991 soit dit). Je sens que le public est plus âgé et connaisseur. Il le faut car vous n’avez pas affaire à des entertainers. Heureusement un mec habillé en lapin vient se mettre à côté de moi, enlevant un peu du sérieux de la situation. Sur le dernier morceau, le groupe quittera la scène laissant la place aux machines seules. Métaphore hyper forte de leur vision de la musique électronique, le son des machines, point. Comme beaucoup de fans, je jubile. Je retourne à la scène 2 (aka scène darkness) où vont s’enchaîner Giant Swan, Soft War (mes amours que sont DJ AZF et December) puis Manu le Malin. J’regrette de pas avoir pris un hoodie noir, des lunettes noirs et un taz Darth Vador. Peu importante, la musique de Giant Swan est une drogue à elle seule. On entend souvent le mot “punk” aujourd’hui pour définir la démarche d’artiste un peu alternative. Mais là c’est vraiment de la techno punk. Rythmes complètement décalés, distortion à tout va, coup de gueule dans le micro. Manque plus qu’un pogo pour se croire en 78. Soft War continue dans ce registre mais dans une version plus club. De la techno tellement noire qu’elle subirait la taxe sur le carburant. Après une demi heure de set, je fais une infidélité à Manu le Malin pour filer voir Alexi le Tan et Phuong Dan qui visiblement se font un back 2 back.
L’after : faut le mériter
5h du mat, les scènes principales ferment. Dans le backstage j’attaque un demi burger histoire d’avoir des forces pour l’after. En arrivant, G-Boï, Jean Mi et Christian Coiffure prouve une fois de plus l’ouverture d’esprit du public local. Derrière eux, le panzer J-Zbel monte dans les BPM. J’attends avec impatience le B2B entre Mouloud et Marcorosso pour remettre un peu de sensualité dans cet after. Les sauvageons clôtureront cette édition comme il se doit. Je quitte les lieux sur un soleil blanc et brillant.
Le départ
Dans le TER vers Lyon un mec sent tellement la bière que j’me demande s’il a pas caché un fut dans son sac. Assis dans ce long verre d’acier qui file à travers les collines de la région, je réfléchis au sens de la vie et me dit que j’aurai bien kiffé un train couchette (même s’il est 14h30) voir un jacuzzi. Contrairement à St Étienne, la SNCF ne se donne pas encore les moyens de nous faire rêver. Une chose est sûre, en 2019 on reviendra profiter de l’architecture, du mauvais temps et du Positive.
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© Report by Sina Araghi
© Photos : Malo Lacroix