Décollage avec S3A après la sortie de son EP « The Ravist » sur le label Community Center

Dans ce climat plutôt morose, il fallait absolument se remonter le moral en musique. Casque aux oreilles, nous avons donc posé quelques questions pour (re)découvrir le DJ/producteur S3A (Sampling As An Art) à l’occasion de la sortie de son EP « The Ravist » chez Community Center le 12 février dernier.


ItinéraireBis : salut S3A ! Peux-tu te présenter pour ceux ou celles qui ne te connaissent pas encore.

S3A : salut à toutes et à tous, je m’appelle Maxime, j’ai une quarantaine d’années, et je fais de la musique depuis 1996 (pour le DJing, 99 pour la production). Principalement électronique, principalement House, principalement teintée de techno. J’ai été très influencé par la scène anglaise Hardcore, c’est vraiment par là que j’ai commencé mon histoire avec la musique électronique.

En 2011 j’ai construit ce projet S3A, parce que je voulais plus assumer l’autre versant de ma personnalité, celle qui est penchée vers le disco, la funk, la house music en général… j’ai passé mes premières années à aimer le son (dans le sens « ingénieur du son ») et sa violence, et j’ai passé les suivantes à courir après l’autre versant de la musique électronique : les accords. J’ai été résident de Concrete entre 2012 et 2017, et depuis je suis résident au Rex Club.


ItinéraireBis : l’actualité est pesante ces derniers temps concernant les domaines de la culture et de l’événementiel depuis l’apparition de ce satané virus. Comment as-tu géré les confinements de ton côté ? Quels ont été tes différents échappatoires ?

S3A : pour être honnête j’ai pensé qu’une pause durant le premier confinement ne fera de mal à personne… Hormis financièrement bien sûr…Et c’est vrai que ça nous a tous permis de réfléchir à ce qu’on voulait faire. Du coup pendant ces trois premiers mois, je me suis remis à faire ce que j’aimais, c’est-à-dire de mixer simplement pour le plaisir dans mon studio. J’ai progressivement agrémenté l’expérience avec deux ou trois caméras, et j’ai fait une petite dizaine de streams différents pour des amis, clubs, organisateurs ou médias.

En juillet, quand nous avons tous cru à une embellie, j’ai recommencé à jouer, et tout s’est très bien passé. Le public était là, les organisateurs étaient contents de me revoir… C’était un peu le retour du bonheur… Ceci étant dit, deux semaines après avoir repris en juillet, je suis parti en vacances pendant un mois, et je n’ai pas repris depuis.

Ce deuxième confinement a été plus compliqué que le premier, il y avait moins de solidarité entre les gens, on a commencé à s’habituer à ce marasme. Clairement il a été un catalyseur, et un accélérateur de tout. Aussi bien des les bonnes choses que des mauvaises. On a tous été mis au pied de notre propre mur… Depuis, j’ai un petit peu perdu le goût de faire de la musique… Je me contente d’hiberner, créer, prendre des news de mes potes, en attendant que ça puisse reprendre… En tout état de cause, c’est bien trop long pour que ça ne nous laisse aucune séquelle.


ItinéraireBis : on sent depuis quelque temps que les jeunes (et certains moins jeunes) veulent de nouveau se réunir pour faire la fête “qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ait l’ivresse”. Qu’en penses-tu ? Comment vois-tu l’avenir de la fête et de la scène électronique ?

Quand j’ai repris les dates en juillet, j’avoue que je ne me sentais pas entièrement légitime pour faire faire la fête à des gens qui pouvaient se contaminer, j’avais un peu l’impression que ce serait de ma faute si ça arrivait). Je suis assez sensible à tous les événements qu’on voit, qu’ils soient clandestins ou non… Une partie de moi comprend, parce que j’en ai moi-même envie. L’autre condamne fermement toutes ces personnes, qui, dans le meilleur des cas, reculent le retour à la vie normale des autres.

Je suis en confinement presque depuis février l’année dernière, et hormis mes 15 jours de dates en juillet, une semaine de vacances en août dans un camping à l’air libre, je n’ai pas fait grand-chose. Inutile de dire que de passer d’une cinquantaine de dates par an avec les voyages, et les rencontres que ça implique, à rien, c’est assez douloureux. Financièrement aussi, forcément.

Pour l’avenir de la scène électronique française, je pense qu’il y aura toujours des créateurs, et je suis totalement content pour ça… Mais aujourd’hui je ne peux pas du tout me prononcer sur la suite des clubs, des fêtes : la pause a été trop longue et je crains qu’une bonne partie d’entre nous ait perdu le fil des modes et des goûts….Je vais dire comme tout le monde : il faut juste attendre et voir ce qu’il va se passer. Ce qui est sûr c’est que beaucoup d’acteurs de la scène ont dû se reporter financièrement sur d’autres revenus, avec les changements de vie que ça implique… Et nous ne ferons certainement pas le voyage retour vers la musique/organisation/festival… Je ne sais pas ce qui va se passer, mais je pense vraiment qu’on aura « connu le monde d’avant ».


ItinéraireBis : tu as débuté la musique en 1999 en faisant pas mal de techno. Tu t’es ensuite orienté vers un mix entre techno et house bien ficelé. Quelles ont été tes influences musicales au fil du temps, et notamment ton rapport avec le jazz-fusion ?

S3A : cela fait plaisir, je vois que tu as bien préparé l’interview 😉 Comme je te disais j’ai commencé la techno en 92/93 avec des Anglais qui m’ont donné une cassette de rave, enregistrée en direct. C’était le rêve en fait. J’étais basé dans la région normande et la musique était assez dure là-bas. J’aimais vraiment ça; mais j’avais toujours besoin de notes, de suites d’accords à côté de cette violence.

J’ai toujours baigné dans la musique, mon père avait un groupe de rock progressif, et de rhythm´n’blues, et, dès mon plus jeune âge j’ai voulu tout de suite définir et maitriser ce que j’aimais, ce que j’aimais pas… Sans pouvoir le décrire ou le détailler au point de vue musical du terme. Il y avait des choses que j’adorais et je détestais tout le reste… Marrant de se dire à quel point j’étais intransigeant, à cet âge 🙂

C’est un truc que je pense toujours un peu : aujourd’hui, nous avons le droit d’être exigeant sur nos goûts, sur ce qui touche à la culture. Dans cette dynamique, j’ai toujours été attiré par une musique un peu plus complexe, ou un peu extrême. Du rock progressif au jazz fusion, j’ai trouvé un truc que j’aimais. Les années passant, ce mélange a continué à infuser pour faire aujourd’hui mon background, et influe sur ma volonté de faire une musique facile à jouer, certes, mais surtout appréciable en dehors du dancefloor.

Je veux que ma musique suscite une émotion, qu’il y ait une histoire, des chapitres dans chaque chanson. En même temps, je veux qu’elle soit dynamique, dense. Et intéressante. Pour tout dire, j’aime qu’on ait besoin d’écouter plusieurs fois un de mes morceaux pour distinguer tous les éléments, toutes les nuances ! En 2010, j’ai eu plusieurs chocs musicaux, comme les anglais de Firecracker, ou MCDE. Ce sont ces artistes qui m’ont poussé à creuser cette direction et à créer S3A.


ItinéraireBis : tu t’es orienté ensuite vers un style rave et acide très anglais en signant une série de chansons intitulées “The Ravist”. Que représente pour toi la culture rave justement ? A-t-elle un rôle à jouer avec les actualités du moment ?

S3A : j’ai toujours eu ces influences dans ma musique. Mon premier morceau pour Concrete par exemple s’appelait « The Ravist » , mon morceau sur la compilation du « Sampler des Copains » de Pablo Valentino s’appelait « Ravist Face », même mon remixe pour Laurent Garnier s’appelait comme ça. C’est vrai que l’analogie avec la situation d’aujourd’hui peut sembler bonne ! Les fêtes d’aujourd’hui sont par définition des raves puisque non autorisées…

Après je dois avouer que je ne suis pas fan de toute la musique issue de ce revival des années 90. Les années 90, je les ai vécu, j’ai déjà écouté cette musique, et, faut le dire : il y avait quand même pas mal de trucs à chier. Et ce n’est pas parce que 30 ans ont passé que j’aime plus ces choses là aujourd’hui. Je dois avouer ne pas être trop dans ce côté post-gabber, transe, tout ça.


ItinéraireBis : le pont est parfait pour parler de ton prochain EP “The Ravist” qui est sorti le 12 février dernier sur le nouveau label Community Center de Pasteur Charles. Ta première sortie 100% The Ravist. Raconte-nous un peu coulisses de ce projet. Quel rapport entretiens-tu avec Pasteur Charles ?

Avec Charles nous nous connaissons depuis quelques années, et le coup de foudre s’est fait au point de vue de la musique, comme souvent. J’adorais ce qui jouait, comme on peut s’en douter par rapport à mon vécu, et il me suivait depuis un moment. Comme je t’ai dit, j’ai toujours fait des morceaux comme ça. Au moment où nous avons décidé de faire ce EP, le plus dure était de choisir les meilleurs morceaux les plus cohérents et efficaces.

Je suis super content que ce disque sorte, il représente bien cette recherche de nostalgie qui a pu nous rassurer durant toute cette dernière année… je suis content des morceaux, je suis content du label et du travail que Charles effectue tous les jours ! Et j’en profite pour remercier tout le monde pour le support. Ca a été la seule chose qui n’a jamais défailli et c’est franchement important pour supporter tout ça depuis mars dernier


ItinéraireBis : dans quel état d’esprit as-tu produit cet EP ? Quelles sont tes habitudes quand tu produits ?

S3A : j’ai tellement baigné dans cette musique, je l’ai tellement adulé, que je dois dire que c’est un style que je fais facilement… Il faut juste avoir le jus et l’énergie pour savoir la transmettre !

J’ai une routine assez stricte pour faire les morceaux. J’ai toujours beaucoup travaillé les samples et pour ce disque ça n’a pas vraiment changé. C’est essentiellement un mélange de sample, et de boîte à rythmes / synthés rajoutés en direct durant l’enregistrement. D’ailleurs, aucun VST n’a été utilisé. Tous les samples (sample cds du debut des annes 90 / u220 roland / Jv1080 roland) sont soit passés dans un sampler 16 bits soit downsamplé pour garder le côté cheap et incisif. Le bonheur quoi !


ItinéraireBis : quels sont les artistes français que tu suis de près en ce moment ?

S3A : je n’écoute plus beaucoup de nouveautés pour l’instant, j’essaie de garder le contact avec toutes les personnes qui font de la musique et avec lesquelles je me sentais proche, d’ailleurs je les embrasse. En ce moment, je trouve que franchement, Kettama et Asquith ne font pas beaucoup de trucs moyens. Je les adore. Marquis Hawkes aussi… et toujours Cinthie !


ItinéraireBis : quelles sont tes prochaines actualités à venir ?

Justement pour parler de noms et de personnes que je surveille, je suis en train de préparer le prochain Sampling AsAnArt Records, et ça sera un Various Artists, qu’avec des personnes nouvelles pour moi sur le label. J’espère que ça se fera rapidement, J’ai d’ailleurs du mal à trouver le dernier morceau. Mais je suis sûr que je vais y arriver !

Ce dont je suis sûr aussi c’est que toute cette période restera exceptionnelle. Nous ne devons ne pas la laisser devenir la normalité, notamment en ce qui concerne les libertés, à la culture, à la démocratie ou encore la souveraineté numérique. Courage à tous, serrons encore les dents jusqu’à ce que ça soit terminé. On se retrouvera bientôt sur un dancefloor, ou sur la route ! J’espère que tout le monde a mis quelques points de vie de côté, parce que quand on va reprendre, on va vraiment pas faire semblant ! 🙂


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